Pour tout cinéphile bercé par les douces (et gothiques) premières sucreries sur pellicules du grand Tim Burton - mais pas que -, la sublime Winona Ryder incarnait sans conteste l'un des fantasmes absolus, celle qui faisait chavirer le cœur de tous les Edwards qui sommeille en chacun de nous.


Figure féminine importante des 90's (Edward aux mains d'argent, Dracula, Le Temps de l'Innocence, Génération 90, Looking For Richard ou encore Alien, La Résurrection et Une Vie Volée) avant d'être littéralement boycotté durant les années 2000 suite à ses soucis judiciaires, la belle a cependant su renaitre de ces cendres depuis quelques années, notamment grâce à l'appui de Darren Aronofsky (Black Swan) et quelques choix avisés (les excellents B-movie Homefront et The Iceman, le sympathique Le Dilemne de Ron Howard).


Attendue dans la suite tant espérée de Beetlejuice 2, elle nous revient tout d'abord ce mois-ci dans Experimenter, biopic ciblé du psychologue social Stanley Milgram signé Michael Almereyda (Hamlet avec Ethan Hawke), un scientifique/sociologue dont les travaux ont marqués la science à jamais, et qui est ici incarné par le (très) mésestimé Peter Sarsgaard.


Ou l'histoire donc de Stanley Milgram, professeur de psychologie qui conduit, en 1961, une expérience sur la question de la soumission à l'autorité qui deviendra la célèbre " Expérience de Milgram "; au moment même où le procès du nazi Adolf Eichmann est diffusé à la télévision à travers toute l’Amérique.
Ou l'expérience impliquant un sujet test (nommé professeur) et un complice (nommé élève), séparés chacun dans une pièce, le premier posant plusieurs questions au second qui, à chaque mauvaise réponse, se voit administrer des décharges électriques d’intensité progressive.
Mais le dit élève, complice de la supercherie, ne reçoit pas réellement de décharge et simule sa douleur, l'expérience visant bien plus à déterminer les limites du sujet test face à la pression qu'il subit par l’équipe scientifique qui le pousse à continuer sa torture.
Très vite les résultats de ses recherches et les méthodes employées dérangent et déclenchent une vive polémique.
Dénigré par certains, admiré par d'autres, le scientifique affronte la tourmente...


Présenté en avant-première en septembre dernier au Festival de Deauville, Experimenter est sans aucun doute l'une des œuvres les plus surprenantes et passionnantes à fouler les salles obscures hexagonales en ces premiers mois de 2016; une claque aussi fascinante que grave et déboussolante, sur les travers de la nature humaine.


Un épatant antibiopic au scénario en béton armé (Almereyda maitrise son sujet, et cela transpire tout du long), s'amusant à déjouer les codes du genre pour mieux se jouer de son spectateur (décors artificiels et cassure du quatrième mur à la clé), et en faire le cobaye conciliant et captivé par les travaux d'un homme déterminé qui, fasciné par le pouvoir de corruption de la doctrine nazie, va s'échiner à démontrer comment l'être humain, sous une autorité pesante, peut se soumettre et être capable du pire.


Une plongée presque théâtralisé - mais d'un réalisme foudroyant - dans les entrailles de la psyché humaine, et notre capacité à abandonner aussi bien notre libre-arbitre et notre propre morale, tant qu'une autre âme encaisse la responsabilité de nos actes - même les plus irréparables.


La tristesse n'est jamais loin, l'effroi non plus, l'expérience participative sur pellicule qu'incarne l’oppressant et minutieux Experimenter pousse son auditoire à se questionner sur lui-même mais également sur son prochain, la société qui l'entoure, et trotte longtemps dans notre tête qui aura rarement été aussi habilement et formidablement manipulée.


Mention à Peter Sarsgaard, impérial (dans ce qui est certainement son meilleur rôle à ce jour), qui sert ici de guide parfait dans cet enrichissant éclairage de la condition humaine jamais sentencieux mais pourtant criant de vérité.


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.com/2016/01/critique-experimenter.html

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le 27 janv. 2016

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