Je m'attendais à un film sur un couple battant de l'aile qui, en essayant de sauver son mariage, va progressivement sombrer dans l'enfer des réunions orgiaques organisées secrètement. Ce qui est intéressant, c'est que ces éléments sont bien présents, mais l'histoire est construite différemment.
Le début du film expose rapidement la situation du couple Harford à travers une soirée chez l'un de leurs amis. De retour chez eux, Alice avoue à son mari Bill qu'elle a été tentée de le tromper avec un autre homme. Troublé, Bill sort errer dans les rues pour réfléchir et sera amené à se rendre à "la maison" et à y découvrir ce qu'il s'y passe. Le scénario prend alors son envol (au bout d'une heure dix tout de même !).
Tous les événements de cette réunion secrète possèdent un pouvoir hypnotique dérangeant. Tout comme le personnage principal, on sait qu'on observe quelque chose d'unique mais qu'on ne devrait pas être là, qu'on est en danger. La scène de rituel est monumentale. La musique et la prière du maître de cérémonie sont à la fois glauques et fascinantes. La centaine de spectateurs, habillés en noir et affublés de masques vénitiens, donnent un sentiment de puissance à l'ensemble. On est écrasés par l'ampleur et le mysticisme de la scène, et ce jusqu'à ce que Bill soit découvert et expulsé de la maison.
Le film quitte alors le registre du drame et se rapproche du thriller, le héros à découvrir les secrets de ces réunions et de ses participants. La paranoïa monte et atteint les sommets de The Thing : toutes les personnes introduites dans le film deviennent des suspects potentiels, c'est bien mené et c'est génial. Par contre la fin arrive assez brutalement, même si elle est pleinement satisfaisante.
Elle laisse le mystère pratiquement entier et c'est à mon sens ce qu'il fallait faire. On ne sait pas vraiment si les contacts de Bill ont été tués par l'organisation où s'il s'agit d'un concours de circonstance malheureux. De même, rien ne nous dit qu'Alice ne participe pas à ces réunions. La résolution des problèmes du couple est ambiguë mais cristallise bien la complexité de leur relation. A mon avis, il ne faut pas trop s’attarder sur le fait qu'Alice ait envie de faire l'amour mais plutôt sur le fait que la situation s'arrange car Bill lui a révélé la vérité.
Le choix de Cruise et Kidman est une bonne idée (ils étaient mariés à l'époque du tournage) et ils ont probablement pu s'investir davantage dans leurs rôles, dommage que le jeu de Kidman soit aussi étrange, on a pas l'impression qu'elle se donne à fond.
Eyes Wide Shut laisse le spectateur faire son propre avis sur ce couple et utilise parfaitement la carte de la suspicion et du doute. Une oeuvre testament parfaitement réussie.