Fahrenheit 451
4.8
Fahrenheit 451

Téléfilm de Ramin Bahrani (2018)

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Le classique de Ray Bradbury méritait en effet d'être remis à jour. C’est surprenant que personne n’y avait pensé avant mais le monde n’était sans doute pas encore prêt à y prêter attention. Aujourd’hui nous avons une soif de science-fiction dystopique, si seulement parce que nous avons perdus notre optimisme naïf dans le status quo. La menace d’un régime totalitaire dans un future ultra-controlé et conformiste, et donc anti-culture, est plus que jamais pertinent. C’est juste dommage que le travail a été bâclé.


Montag ne parvient absolument pas à nous faire comprendre pourquoi il décide d’agir comme il le fait, sans doute parce qu’il ne le comprend pas vraiment lui même. L’original voit le personnage s’éprendre de la littérature, il créé une vrai connexion avec les pensées de ces auteurs défunts, tout en aillant à cacher cette métamorphose à sa femme, qui incarne le conformisme pure. Le Montag de 2018 ne semble qu’avoir lu une ou deux phrases de Dostoievsky qu’il avoue ne pas comprendre. C’est pas assez. Pas assez pour justifier le refus soudain de son conformisme aveugle. C’est donc la faute au scénario mais pas seulement. Michael B. Jordan n’est pas à la hauteur d’un rôle aussi subtile car il est incapable d’exprimer le trouble, la douleur et la confusion de quelqu’un qui découvre qu’il était la marionette enthousiaste d’une cause lugubre. Le fait qu’il soit célibataire affaiblit encore plus le dramatisme de son trouble car à part avoir à demander à Yuxie de se désactiver (ce qu’elle ne fait évidemment jamais), Montag semble être complètement déconnecté de sa condition d’esclave sous surveillance.


L’adaptation apporte tout de même des éléments de qualité tel que l’Omnis. Bradbury mettait sa foie dans la conscience humaine et sa solution dans la lutte contre l’oppression autocratique était la volonté pure. Ceux qui ont l’opportunité de refuser le monde moderne vivent des vies marginale et luttent en mémorisant des livres entiers, sacrifiant donc leur vie et leur individualité pour sauver les joyaux de la conscience humaine. En 2018 cette image est encore belle et forte, mais on trouve ça plus sage de créer des back-up digitaux. L’adaptation va encore plus loin. Grâce à Omnis, l’oeuvre intégrale des écrivains est uploadé directement dans une code génétique qui s’insémine dans l’ADN de tout être vivants et donc échappe à la menace des flammes à 451 farenheit. C’est aussi la preuve qu’aujourd’hui nous ne mettons plus notre espoir dans l’homme mais dans la technologie. La science nous sauvera. C’est sans doute la seule contribution notable à l’univers de Bradbury, les autres sont plutôt efficaces mais se confinent au décor banalement futuriste.


La performance de Michael Shannon est bonne, mais le scénario le laisse porter tout le poids de l’action. Le capitaine Beatty à clairement une culture littéraire forte, mais décide d’être un champion de la destruction. C’est un dilemme qui ne se résout qu’à la toute fin du film lorsqu’il laisse l’Omnis s’envoler dans une culmination de flammes et de cris de rages. Il avait assez de volonté propre et d’humanité pour se retenir de le pulvériser. C’est une facette intéressante du film mais on aurait sans doute préféré voir Montag tenter de se rapprocher de sa conscience en écrivant ses pensées suicido-existentielles sur des feuilles longues des nuits entières. Le capitaine Beatty est en effet beaucoup plus intriguant que son disciple qui finit par passer plus pour un chien de garde confus qu’un véritable héros en cours de libération.


Il en reste que le film se regarde et je ne regrette pas de l’avoir vu jusqu’à la fin. Je trouve ça seulement dommage que l’on n’ait pas réussi à l’exécuter avec plus de finesse. C’est dommage mais c’est toujours mieux que rien. Même s'ils étaient en flammes, le spectateur aura vu à l’écran le nom de quelques-uns des plus grands auteurs des derniers siècles.

lufassass
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le 16 août 2018

Critique lue 343 fois

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