Vrai ou Faux
Elle n'est pas si mal la dernière fiction d'Herzog. Family Romance, LLC transpire bon le cinéma d'Herzog, il assure lui-même la photographie du film ce qui nous donne droit à des plans assez...
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le 26 juil. 2020
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Que faire quand on se saisit d'un sujet réel mais dont l'improbabilité dépasse déjà tellement la fiction qu'il ne devient plus filmable ni de manière documentaire ni en passant par un scénario ? Avec Family Romance LLC, Werner Herzog joue à brouiller les pistes. Savoir qu'il existe des bars à hérissons sera probablement la moindre surprise du film tant il est difficile de croire à cette entreprise de location de proches (famille, ami...). Besoin de quelqu'un pour se faire engueuler à votre place au boulot, ou besoin d'un père de remplacement à votre mariage car le votre trop bourré n'a pas pu venir, pas de souci, faites appel à Family Romance.
Dans un Japon dont la société semble vérolée par le mensonge ("je lui mens, elle me ment", quoi de plus normal) il semble que "prétendre" soit devenu le maître verbe. Bien sûr, Yuichi Ishii, acteur à Family Romance endosse plusieurs rôles par jours (du père de famille au photographe nerd) pour satisfaire ses clients mais même les lieux qu'il visite semblent imprégnés d'une fausseté où tout n'est qu'apparence. Dans un hôtel où des robots tentent de faire l'accueil, mais où "humanoïde" reste bien loin d'"humain" , même les poissons de l'aquarium sont mécaniques. Une sorte d'impersonnification parfaite, sans émotion. Cela fascine Yuichi Ishii qui selon les règles de son travail n'a pas le droit ni d'aimer ni d'être aimer. Voila bien la faille de cette entreprise. Jusqu'à quand ce jeu de substitution peut il rester une simple affaire d'argent ? Les faits sont faux, mais l'émotion ne l'est pas. Le jeu est dangereux. Notre acteur a l'air d'en cerner les limites autant dans la charge émotionnelle montante qu'il entretient avec une jeune fille dont il joue le père, que dans sa perte de croyance progressive en la réalité du monde qui l'entoure.
La question du filmage devient alors captivante. Tourné comme un faux documentaire, on pourrait croire que les séquences sont réelles s'il n'y avait pas quelques bugs cinématographiques. Difficile de croire dans la spontanéité d'une scène tournée de près à deux caméras où de certains dialogues trop écrits pour être vrais. Quelques inserts de plans musicaux à l'exotisme touristique jurent aussi. Herzog pousse même le vice jusqu'à filmer une scène de reconstitution de rêve, donc purement mise en scène et officiellement fausse. Mais on en vient à douter. Ces artistes ne mimaient déjà-t-ils pas un combat lorsqu'ils étaient filmés la première fois ? N'était-ce pas déjà faux ? Le rêve qui reproduit le combat, mais sans arme, augmente donc encore d'une couche supplémentaire le niveau d'apparence et de mensonge. Mais finalement que croire ? Ce qui est, ce qui est prétendu être, ce qu'on voit ? Bien difficile de faire la part des choses.
Pourtant habitué à des décors naturels démesurés, Herzog passe cette fois par un sujet plus intimiste mais pas moins vertigineux tant il repose de manière évidente la question matricielle du cinéma (autant de fiction que documentaire), celle du vrai et du faux.
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Créée
le 20 août 2020
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