janv 2010:

Pendant très longtemps, ce troisième opus était de loin mon favori et puis je me rends compte avec l'âge que s'il est toujours aussi divertissant, il ne se révèle pas aussi original que ses deux prédécesseurs. Ce troisième larron parait bien plus se contenter des investissements passés que d'ajouter quelque chose de neuf à la série. Peut-être que ce sentiment vient du fait que j'ai déjà tout dit de ce que représentait pour moi les Fantômas d'Hunebelle?

Le divertissement vient encore plus de ce qu'insufle De Funès. Ce film là couronne sa vampirisation de la série. Demongeot ne darde plus. Il lui échoit une seule scène marquante où elle confronte Fantômas à sa propre arme, le déguisement, le masque. Pris à son propre jeu, Fantômas est nargué par le sourire de la belle blonde qui peut se targuer d'être la seule à avoir foutu la trouille au génie du mal. Jean Marais passe lui également au second plan, héritant de deux séquences d'envergure seulement, la course à cheval et l'attaque ninja (héhé) du château de Lord McRashley. Ces deux scènes, même si elles semblent écrites en compensation apportent finalement d'heureuses ruptures de rythme et de ton qui rééquilibrent tout le film, le rattachant à l'essence aventurière et polarde de la série.

Non, celui qui attire la lumière c'est bien Louis de Funès, tout le scénario est axé sur sa personne et par voie de conséquence sur le duo qu'il forme avec Jacques Dynam. Calqué sur les mêmes mécaniques que De Funès avait magnifiquement huilées avec Bourvil, ils perpétuent cet humour traditionnel, burlesque où les jeux de pouvoir pervertissent les relations jusqu'à l'absurde. Humour exutoire, universel et éternel. Le sommet de cette relation hiérarchique et quelque peu sadomasochiste est sans doute constituée par la séquence où Dynam perd son révolver dans la couche de De Funès en le bordant. Celui-ci se méprend sur les intentions de son sous-fifre zêlé. Il est clairement fait allusion pour une fois à l'homosexualité dans cette scène. Et la réprobation horrifiée du commissaire Juve répond à celle qu'il avait affiché déjà dans "Le corniaud" face aux regards salaces du culturiste dans les douches, humour homophobe bon teint à l'époque. Du coup, le film n'en finit pas de prendre un coup de vieux et il est conseillé de ne pas oublier de prendre ce film pour ce qu'il est, un objet du passé, une relique de l'amusement d'antan.

Derrière le vernis craquelé de ces archaïsmes se sirotent des thèmes plus intemporels. J'ai une nouvelle fois apprécié ces plaisirs régressifs et nostalgiques des retrouvailles avec les images du passé, un cinéma révolu. Dès le générique, la musique de Michel Magne, envoûtante, annonciatrice du spectacle à venir, nous fait entrer dans la danse (transe). La Rolls de Fantômas roule sur les routes d'Ecosse. Ces images sont bien les seules à avoir été tournées réellement en Ecosse. D'ailleurs le générique n'est pas encore terminé que se détachent les rudes façades du château de Roquetaillade -entre Bazas et Sauternes- un édifice que je connais par coeur ayant passé de nombreux après-midis à écrire dans les allées du parc alentour. Plus tard dans le film, les scènes extérieures de chasse à courre ont de toute évidence été tournées en forêt de Fontainebleau.

Mon péché mignon, à savoir de retrouver de temps en temps des voix et des têtes de cinéma depuis disparues, est ici complètement satisfait. D'abord on est surpris par la présence de Henri Serre que j'avais vu dans Jules et Jim. Quel plaisir, quelle joie de retrouver cette voix si particulière, Jean-Roger Caussimon. Et le film continue d'étirer sa ribambelle de trognes, Dominique Zardi, Jean Ozenne, Max Montavon et les autres.

Parmi les vieilleries qui ornent inélégamment ce film, on doit se coltiner cet invraisemblable dispositif de flash-back. Déjà à l'époque on prenait les gens pour des cons et il fallait leur rafraichir la mémoire. Avec une sorte de lecteur dvd ou ordinateur portable le grand méchant loup nous balance des images qu'il n'a pas pu filmer. Le même procédé grossier avait enlaidi la première partie de "Fantômas se déchaîne". Nous avions décidés de passer outre. Re-passons, donc! Pas trop vite cependant, car au détour d'une phrase dans son laïus de présentation, Fantômas lache un indice de plus sur le caractère utra moderne du personnage, que l'on avait déjà noté dans les épisodes précédents : son aptitude à préparer continuellement son avenir, à se projeter toujours vers le futur, à tel point qu'il en devient sur-humain. Je ne me souviens pas exactement des termes qu'il utilise mais en gros il dit que ses scientifiques mettent au point tout ce qu'il faut pour faire exploser la planète le jour où il aura décidé de vivre sur une autre. Outre la peur de la science atomique, qu'une course aux armements a d'ores et déjà bien développé dans le monde entier, le film joue également sur le caractère extraordinaire du pouvoir de Fantômas, faisant de lui, à sa seule volonté, le maitre des destinées humaines, un être extra-terrestre putatif, lui conférant une aura inégalée.

Le film a par ailleurs considérablement étoffé sa parure fantastique cette fois-ci. Du moins tente-t-il de le faire. Le scénario mêle à la comédie policière une trame plus ou moins fantastique. L'Ecosse terre de fantômes, n'est mise en valeur que par ce biais-là. La route des trois pendus, les apparitions spectrales, la séance de spiritisme, la brume dans la lande, etc. Tout cet attirail surnaturel à la superficialité confondante de niaiserie donne pourtant au film une atmosphère un chouïa inquiétante qui était je crois bien l'élément majeur de ma préférence enfantine. A moins que ce ne soit une attention plus soutenue, sachant qu'avec cet ultime chapitre il n'y aurait plus de pages à tourner? Quoiqu'il en soit, c'est assez charmant.

Seulement je crains que les scénaristes n'aient un peu trop insisté sur le comique de répétition : le gag des disparitions de cadavres par exemple est vite lassant. Le talent de De Funès n'y suffit pas.

En somme, l'ultime aventure de la saga Fantômas s'achève avec une confiscation du vedettariat pour un De Funès gigantesque, roi du burlesque, dont la justesse de jeu ne cesse d'épater. De la race des seigneurs ou des génies, cet auguste mérite amplement son statut, ne vole rien, ne prend que ce qui lui est dû.

Finalement par ces aventures comiques d'un autre âge, je voudrais remercier ces artisans et artistes qui ont façonné un cinéma populaire et ont touché par ce biais un grand nombre de petits nenfants dont je fus. En revoyant ces petits bouts d'enfance en dvd c'est à une très agréable regression qu'ils nous invitent et ce voyage n'a pas de prix. Profitons. Et arrêtons de snober ces menus plaisirs, bordel à queue! Vive le cinéma, vivent les cinémas!
Alligator
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le 30 mars 2013

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Alligator

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