Quatrième film du bon vieux Sergio Corbucci que je découvre, et ses westerns spaghetti ne m'ont pas encore déçu. D'une saveur bien différente d'un autre Sergio, avec un esprit de liberté révolutionnaire toujours présent, ils partagent néanmoins cette galerie de personnages haute en couleurs et fortement gratinée. A commencer par Jed Trigado qui s'introduit lui-même comme le summum de la liberté, volant pour manger et mangeant pour voler, sans s'attacher aux amitiés et aux femmes. Un véritable chien fou, qui donne droit à des scènes délivrées de toute morale bien-pensante (comme ce lait qu'il boit direct au pis de la vache). Or, il croise cette jeune femme, Sonny, sur son chemin. Une rencontre qui fait des étincelles. Les présentations commencent mal lorsqu'il veut la traiter comme la dernière des trainées alors qu'elle s'avère vierge. Sauf qu'elle ne colle pas avec le modèle de bienséance qu'on attendrait d'elle.


Cette classique chasse à l'homme menée par Telly Savalas, l'homme au cigare, est donc un prétexte pour développer ce truculent duo qui manque furieusement de bonnes manières. Une bobine remplie de scènes vraiment rigolotes, avec Jed qui jure comme un charretier, et la belle Sonny qui en fait des caisses pour rattraper son idole alors qu'il la traite comme une chienne. En de nombreuses occasions il est à deux doigts de la laisser tomber (notamment à des prostituées), craignant pour sa liberté, mais lorsqu'ils se mettent ensemble la tendresse et leur liberté de ton font plaisir à voir (comme les baisers sur le nez, la trempette dans la baignoire, ou même leur interprétation très perso des nuages dans le ciel).


Or, tout autant qu'une ode puissante à la liberté, avec une lutte de classes propre à Corbucci qui ridiculise au passage la grande bourgeoisie en révélant la grossièreté de la femme du propriétaire du ranch, il s'agit aussi d'un film sur la manière dont la femme devient femme, et la même chose pour l'homme. La seule limite de Sonny par rapport à Jed est en effet son sexe et ses sentiments fortement implantés. Bref, ce film peut être vu comme une initiation à la vie adulte, en incorporant l'importance d'avoir des idéaux et de protéger ses amis au détriment d'une liberté sincère mais purement instinctive. Mais encore une fois le gros plaisir que l'on a devant ce film est ce choc des différences, l'un ayant plus de couilles qu'il n'en faut, tandis que l'autre force sa nature en l'imitant pour qu'il s'intéresse à elle, jusqu'à ce qu'ils atteignent chacun leurs limites, et que le rapport de force s'inverse en faveur du sexe (soit-disant) faible.


Au niveau de la forme, je trouve que El Mercenario a plus de classe, mais les interprétations de Tomas Milian et de Susan m'ont tant marqué, tour à tour bouffons (sans péjoration), iconiques, et touchants, que je place ce Far west story un poil au-dessus de ce dernier. En outre, il y a beaucoup de scènes sympathiques qui savent mettre les personnages en valeur, avec en plus de magnifiques plans panoramiques sur leurs pérégrinations qui fleurent bon la liberté empoussiérée. Sans oublier cet entraînant thème musical de Ennio Morricone prêt à être siffloté, bien qu'un peu trop répétitif à la longue.


En résumé, un Corbucci énergique et ironique, avec des personnages gratinés qui nous partagent une ode à la liberté dévergondée et révolutionnaire, doublé d'une histoire d'amour corsée et atypique.


Ici pour la couleur

Arnaud_Mercadie
8
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le 12 mai 2017

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2 j'aime

Dun

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