Il faut mieux voir l’hiver à moitié plein

Fargo me fait de l’œil depuis quelques années (à vrai dire depuis que la série apparait dans les tops sens critique), et comme j’aime faire les choses bien (du moins en pensée), j’ai commencé par voir le film avant de me mettre à la série.
Bon comme je fais rarement les choses à l’heure (coucou patron!), je découvre ce film 20 ans après tout le monde.


Fargo se passe donc en hiver, et ça c’est pas un spoil puisque toutes les images du film crient l’hiver.
Même les scènes d’intérieur sont froides, tout est glacé jusqu’au comportement des personnages.


A vrai dire plus que le temps ce sont les protagonistes qui nous perturbent.
Le plus spectaculaire c’est ce mari prêt à organiser une escroquerie pour soutirer de l’argent à son beau père, trop fier pour avouer ses échecs, et trop lâche pour faire machine arrière en cours de route. “Monsieur fuite en avant”, le personnage le plus pathétique et en même temps le plus facile à comprendre dans cette façon de s’empêtrer toujours un peu plus en se débattant pour garder la tête hors de l’eau.
Ce personnage est vraiment très dérangeant parce qu’on s’y retrouve. Pourtant il y a peu de chance pour qu’on en vienne à fomenter des combines aussi sordides que les siennes, mais dans le principe on est tous pareil quand on commence à être lâche. C’est le personnage phare du film, celui dont on attend à chaque fois avec impatience et appréhension la prochaine trouvaille, le prochain échec, celui qui fait le film.


Aux antipodes se trouve l’autre personnage auquel on arrive à s’identifier: la flic enceinte et à l’apparence très inoffensive. C’est le côté lumineux de la force qui vient créer le contraste avec le héros du côté obscur.
On est loin de la super flic qui découvre tout tout de suite, elle est plutôt dans le travail de fond, c’est une petite main. Comme sa vie et ses soucis, tout chez elle est assez banal, et terne.


Justement la délicatesse de Fargo c’est de jouer sur les contrastes et par opposition au héros qui veut se voir plus beau qu’il n’est comme une certaine grenouille qui voulait devenir grosse comme un boeuf, ici notre fliquette joue la tortue qui va coiffer le lièvre sur le poteau, et sa petite vie tranquille devient un havre de paix qu’on lui envie.
Le tour de force du film c’est de nous pousser à nous sentir proche d’elle comme on se sent proche de son opposé. Parce qu’au fond on peut à la fois avoir nos moments de lâcheté et nos moments de quiétude.


Si on résume le film à ça on pourrait se dire qu’il faut mieux rester dans une vie morne que d’avoir de l’ambition, et quelque part c’est pas très folichon comme morale, mais je ne pense pas que le but était forcément de nous donner une leçon, juste de montrer jusqu’où on peut se perdre au nom d’une ambition aveugle, et surtout d’un entêtement dans la bêtise jusqu’au boutiste, et qu’il faut savoir de temps en temps revenir en arrière, reconnaitre ses erreurs et repartir de plus belle.


Les autres personnages viennent ponctuer le film dans le même sens: un beau père trop fier de sa réussite, de petits bandits trop amateurs pour briller, peu de lumière dans la brume neigeuse.


Ce qui reste de Fargo après le visionnage c’est une ambiance très bien mise en place: des plans blancs, des couleurs froides, une musique envoutante, un climat dérangeant, des situations qui ne le sont pas moins, et puis des moments drôles, et enfin une femme qui nous apporte l’espoir (en espérant qu’elle n’accouchera pas d’un petit Anakin).

iori
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le 12 janv. 2016

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iori

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