Dans la vie, on fait de sacrées erreurs. Certaines auront une échelle d'influence plus importante que d'autres, et on a tendance à en minimiser d'autres. Parce que choisir consciemment, sous couvert de vouloir enfin expliquer pourquoi c'est nul, de regarder l'intégralité de la saga Fast and Furious d'une traite, c'est exposer sa santé mentale à des conséquences inévitables. Pendant deux épisodes, on rigole autant qu'on s'isole pour hurler notre désespoir, mais ça passe. Du divertissement bas de gamme, rarement bien réalisé (quelques plans de course-poursuite qui pourraient laisser entrevoir un intérêt), des enchaînements d'inserts "grosse voiture / gros nichons / grosses cuisses de poulet au barbecue" qui doivent faire mouiller les t-shirts PMU, les mulets et les claquettes chaussettes, mais ouais, ça passe. Et puis, vient le spin-off destiné au marché asiatique. Et là, ça passe plus du tout.


Si les codes de Fast And Furious sont simples, ils n'en demeurent pas moins précis. Dans ce genre de films où le casting n'est clairement pas choisi pour son jeu distinct (demandez à Paul Walker de créer une expression sur sa face monolithique, c'est à mourir de rire, ça ferait passer les sourcils de Hayden Christensen pour des comédiens de talents, et même Vin Diesel se débrouille bien mieux), les protagonistes ont au moins leur charisme pour eux. Il vaut mieux d'ailleurs, sinon les gros plans pectoraux, qui nous font clairement nous demander pourquoi John Woo n'a toujours pas réalisé un épisode de la franchise (trop de colombes dans son cahier des charges, sûrement) seraient bien fades. Quid donc de Lucas Black, qui a autant 17 ans que je suis une licorne, et qui n'aura pour but que d'aplanir une fiction qui de toute façon n'a aucun relief.


Surtout que le schéma répété en boucle dans la première demie heure aura vite quelque chose d'agaçant. Posons donc le décor. Le héros se balade dans sa grosse bagnole qu'elle a coûté bien cher à la prod, v'la qu'la donzelle qu'a été recalée d'un clip de reggaeton arrive et applaudit la cylindrée, un boloss arrive, "yo, d'où tu parles à ma gonzesse", et hop, on fait la course parce que les femmes sont de beaux trophées qu'on gagne si on a bien appris comment lancer des bananes à Mario Kart. On a donc un aimant à problèmes qui va enchaîner les situations aléatoires, et si on sait très bien qu'il n'y a rien à exiger sur le papier, niveau écriture, on est au ras des pâquerettes.


On reste quand même face à un film se déroulant au Japon, destiné au marché japonais, et où le seul japonais établi est le méchant du film. Qui s'appelle Takashi. L'ambulance commence définitivement à être couverte de cadavres. Sinon, c'est le meilleur ami noir, l'ami typé asiatique mais américain et la go, évidemment étrangère, gaijin, comme ils adorent le répéter. Le film le moins japonais de la terre, quoi. Par contre, si t'aimes les dérapages, t'es servi, tonton. Le film prend son concept de drift très au sérieux, et l'intégralité des courses seront centrées là dessus. Alors on met sa plus belle caméra sur pied et on panote chaque fois que ça passe un virage, le tour est vite joué tellement l'orfèvre est parti jouer aux billes à la régie.


À part ça, y'a clairement pas grand chose. Des persos sans queue ni tête ni but précis, dont ceux qui crèvent juste pour faire avancer l'intrigue, du machisme à plein nez (parce oui, sauver la douce que ton ennemi considère comme sa propriété juste pour qu'elle te soit reconnaissante au point de devenir la tienne, ça va pas t'offrir la palme du bon coeur de l'année) et des voitures. Qui tournent. Parce qu'au moins, pendant que tu vérifies dans ton larfeuille si ta dignité s'est pas faite la malle à force de lui imposer ça, t'en fais pas, au Japon, y'a du pneu qui crisse.

ThierryDepinsun
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le 26 juin 2017

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