En un mot, c’est chiant. En plusieurs, c’est tout ce qu’il y a de plus exécrable (détestable ?) dans ce cinéma français à portée socio-sociale incapable, depuis des années, de proposer autre chose qu’un simple enregistrement des faits dénué de prétentions artistiques (tout ici est d’une laideur exceptionnelle), de risques et d’envies de cinéma (mise en scène en bas à droite au fond du gouffre). On parle alors de "naturalisme" et de "belle simplicité", on évoque ce "cinéma de la vie" (?) pour s’empêcher de dire du mal (ne surtout pas dire du mal) d’une œuvre qui semble ordonner le consensus (trois César pour cette daube) et cristalliser toute la médiocrité intersidérale de ce genre devenu une véritable plaie par chez nous.


On ne demande pas non plus la surenchère, les flonflons et la fête. On ne demande pas quelques émotions bidons, de la musique à outrance, des raccourcis et de la facilité, non. On demande du cinéma, des vibrations, de l’alchimie. Quelque chose qui porte… Et puis il faut être réaliste deux minutes, dire les choses qui fâchent : Soria Zeroual joue comme un pied (idem pour Kenza Noah Aïche, la petite sœur, qui récite son texte avec cette furieuse impression de vouloir être ailleurs). Comment peut-on, une seule seconde, s’extasier de son "jeu" quand elle y révèle le même visage, y affiche la même inertie et les mêmes intonations pendant toute la durée du film comme un masque agrafé de force à son voile, figé dans une neutralité proprement agaçante ?


Chaque ligne de dialogue est forcément chargée de sens, porteuse d’une démonstration, et même chaque acte, et même chaque scène (par exemple le père et la fille discutant des femmes et des cigarettes, consternant de platitude). Concrètement (et au contraire), le film empêche l’incarnation de ses héroïnes en les réduisant à des stéréotypes (la mère courage, la fille qui veut s’en sortir, l’ado rebelle, sans parler de cette famille bourgeoise, contre-point caricatural à celle de Fatima), vissés aux seules intentions de l’auteur se bornant à enfoncer des portes ouvertes. Montrer les conflits de génération, les rêves de chacune, les différences et les difficultés d’intégration, l’aspiration à une autre existence, un état des lieux d’une France moralement blafarde, d’accord, mais alors pas comme ça, pas de cette façon. Celle, sinistre, de tout niveler par le bas, de s’autoriser un minimum sous prétexte de bonne volonté didactique, et desservant de fait le propos par ses criantes insignifiances.


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mymp
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le 13 mai 2016

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