Un chef d'oeuvre manqué

Qui est peut-être bien le film le plus radical de son auteur, et qui aurait pu être un chef d'oeuvre. Disons que le film se distingue en trois mouvements, deux sur le réel, avec au milieu le long rêve. Le premier mouvement est un grand moment de bravoure cinématographique, remarquable, en plus d'être un exercice théorique ultra-intéressant, formant la synthèse de tout le propos cinématographique de la carrière du réalisateur. En un mot, ça correspond bien à la conception hegelienne du sublime : quelque chose qui dépasse le beau, le laid, le vulgaire, mais qui nous frappe. En plus d'un superbe questionnement sur l'identité.

Mais le problème, c'est que la partie onirique s'essouffle - ce qui est un comble quand même, quand on sait à quel point le propos du cinéaste pouvait s'y allier avec merveille. Je ne retrouve plus la virtuosité de la mise en scène, ni l'intention première du cinéaste. Juste l'impression de regarder alors un bête thriller, introduisant le personnage et le jeu ridicules d'Antonio Banderas. Tout me semble alors très désintéressé, et je n'y porte plus aucun intérêt. A partir de là, malgré le brio de la première partie, le film est tué. Cette deuxième partie n'est rien d'autre qu'une vanité qui n'enchante même pas. Seule l'actrice principale parvient toutefois à envoûter. Mais la virtuosité théorique et filmique du cinéaste n'étant plus, la barrière du sublime est brisée, et on tombe dans le vulgaire, dans le ridicule.

Le retour à la réalité rehausse le niveau, le style De Palma est de retour et on le sent, mais la dominance du rêve dans le récit fait de ce film quelque chose de très intéressant mais surtout de très inégal, où le mauvais occupe plus de temps à l'écran que le sublime. Dommage.