Un hurlement de haine, qui ne s'exprime jamais.
Festen est un film saisissant. Sous son air de film réunion de famille à révélation il nous démontre à quel point l'apparence et le déni peuvent aller loin chez l''homme, le rendant insensible aux plus terrible réalités et à quel point la lutte contre la dénégation est vitale pour guérir des traumatismes.
Tout commence comme bien souvent dans ce genre de film dans le manoir d'un homme, riche cela va de soi qui compte fêter ses soixante ans avec toute sa famille, famille paraissant tout ce qu'il y a de plus banale si l'on oublie le fait qu'elle comporte une sœur suicidée.
La soirée avance, viens le temps du repas et puis alors que tout semblait bien se dérouler un homme se lève et commencer à raconter une histoire vieille de plusieurs décennies.
Rien jusque là n'a l'air incroyablement prenant, ce qui l'est pourtant c'est bien la réaction de la famille quand à cet aveu. Là ou souvent ces films souvent policiers suivent les suites d'un meurtre, ou d'une vieille histoire ou chacun y allait de son petit intérêt, on se retrouve ici devant un long et atroce silence général, comme si de si terrible accusations n'avaient fait qu'effleurer l'esprit des invités avant qu'ils ne l'oublient instantanément, dans un refus de comprendre des plus incroyable.
Tout se résume à ce mot, le déni. En effet si l'on enlevait le son ce film ne serait rien d'autre qu'une vulgaire suite de scènes de dîner en famille, pas plus extraordinaire que n'importe quel autre repas.
Néanmoins ce film a une qualité rare, il sait installer une ambiance extrêmement dérangeante. Par la manière même qu'il a de filmer, le réalisateur sait nous faire retransmettre l'horreur traumatique
de son personnage Christian qui fait tout pour que son père reconnaisse l'horrible vérité, alors que celui fort de sa position de chef de famille, s'enferme dans un démenti dénué de tout sentiment de culpabilité.
Festen parle donc simplement d'une normalité qui tombe en lambeau, écorchée par une tension et un ressentiment immense et magistralement retranscrit qui pourtant ne changera jamais l'impassible déroulement de choses. Jusqu'au bout le repas aura lieu et la soirée continuera, et au milieu de cette confrontation titanesque et presque biblique l'on verra au mieux quelques sentiments de gênes polis, mais jamais la violence salvatrice voir même cathartique que le spectateur cherchera désespérément sans la trouver.
Bourré des scènes qui transpirent l'instabilité psychologiques des protagonistes, du frère délaissé et violent en passant par la sœur rebelle et à une mère broyée par le silence, le déni et la faiblesse. Festen est un film capable de déclencher une véritable tempête d'émotions violentes, sans avoir ni recours à des scènes d'actions et surtout, et c'est sans doute là sa plus grande force sans jamais ne montrer une seule image du traumatisme passé, il s'encre dans un présent désespérément lent, ou l'on ressent avec une intensité quasi douloureuse les plaies béantes du passé enflées et gangrenées par des années de silence et d'oubli.
Terrifiant de simplicité dans son déroulement, Festen montre à quel point il suffit de peu de choses pour créer chez le spectateur une envie de violence dévorante. Presque toujours détaché, presque toujours calme c'est un film quasi malsain tant son atmosphère arrive à perturber alors qu'il ne se passe que si peu de choses à l'écran. Le tout sur un fond de sévices d'une cruelle banalité.
Néanmoins c'est aussi son talon d'Achille car ne pas ressentir ce que veut montrer le film,à savoir la colère et le désespoir face à une lutte qui semble condamnée à l'échec expose à un ennui des plus total, car le rythme du film est et que l'histoire qu'il nous conte est revue et revue et tout ce qu'il y a de plus linéaire, pour ma part j'ai été saisi.
Certains critiqueront aussi le manichéisme binaire, entre un père symbole du mal embourgeoisé et un fils à la pureté presque biblique qui ne cherche qu'à faire la paix avec son passé en obtenant de son père non pas vengeance, ni même justice mais simplement un aveu. La justice immanente étant laissée au bon vouloir du spectateur.