Ayant bien aimé Boyz in the Hood, et récemment adoré la série Snowfall, je me suis jeté sur l'occasion d'aller voir ce que John Singleton a fait entre, découvrant ce film sur canal à la demande.


Bon... Comment dire... Ce que je peux dire de plus généreux sur le film c'est qu'il ne manque pas de bonnes intentions, que les personnages évoluent (voir plus loin), et que deux ou trois jeunes acteurs s'en tirent tout à fait convenablement (Cole Hauser particulièrement).


Mais à part ça c'est une telle accumulation de clichés sur les universités américaines, les communautés et leurs relations tendues, qu'on pourrait dire qu'il est au drame universitaire pour social justice warriors ce que Sex Academy est à la comédie lycéenne pour beauf.


Rien qu'une énumération des personnages (dont je me verrai obligé de préciser la "race", celle ci semblant le point essentiel définissant la plupart des personnages - avec pour principale exception celle qui semble définie par "femme ayant été victime d'un viol") donne une idée du film :


-le héros un sportif (noir) qui bénéficie d'une bourse et passera la moitié du film à se plaindre d'être reconnu pour ses jambes plutôt que son cerveau (mais dont on apprendra plus tard qu'il ne lit que s'il a des devoirs à faire), et une grande partie du reste à se plaindre des injustices subies par les noirs, avant de finalement apprendre à utiliser .... ses jambes et ses poings pour combattre des racistes (edit : je suis méchant, à en croire son professeur il semblerait qu'il se mette aussi à étudier hors champ)
-sa copine une sportive noire, qui tentera (vainement) de lui apprendre à un peu moins se plaindre en lui démontrant qu'elle aussi elle en a gros mais fait avec (avant de finir victime du racisme, justice poétique pour cette empêcheuse de se lamenter en rond ?)

-un prof de sciences politiques noir-qui-a-réussi, qu'on voit tenant un discours anti-communautariste au début du film (il mentionne même les groupes autres que noirs et blancs), puis passer toutes ses scènes à n'interagir qu'avec les étudiants noirs (son rôle étant surtout de valider les montées de niveau du héros, en étant d'abord désagréable, puis devenant plus gentil au fur et à mesure de son évolution)
-un groupe d'étudiants noirs dont les occupations consistent à écouter de la musique trop fort alors que des blancs essayent de dormir ou travailler, à discuter (vaguement) politique en fumant de l'herbe, et à se faire justice eux mêmes contre les racistes en mode antifa (bon d'un autre coté vu le personnel de sécurité de la fac on ne peut pas vraiment leur donner tort... voir plus loin)
-l'intellectuel (?) de ce groupe, un éternel étudiant (faisant pour la 3ème fois sa 4ème année car "il a soif d'apprendre plutôt que de diplômes") joué par Ice Cube dont les deux spécialités sont les discours sur l'intérêt du savoir ("lis-tu pour réussir tes devoir ou pour apprendre ?", "le plus grand pouvoir est l'information ne laisse pas les blancs le détenir seuls", des trucs de ce niveau) et les comparaisons sur le traitement des noirs et des blancs adressées au personnel de la fac ("vous leur laissez écouter de la musique fort et pas nous", "vous contrôlez nos identités et pas les leurs", "vous nous demandez de circuler et pas eux"), mais qui en dehors de ça a les même 3 passe temps que le reste de sa bande
-un sportif noir qui sort avec une blanche, personnage secondaire dont les scènes consistent à s'engueuler avec le héros, se faire critiquer par les autres noirs, et se faire casser la gueule par les skinheads (sans que ça émeuve personne visiblement, on n'en reparle pas ensuite)
-une étudiante en 1ère année blanche qui apparait comme une petite bourge un brin raciste dans sa première scène (seule avec un noir dans un ascenseur elle met ses mains sur son sac à mains), mais trop insouciante vis à vis des blancs (elle se fait mettre en garde contre les viols sur le campus alors qu'elle se ballade seule la nuit), qui se fait violer la première fois où elle se laisse aller à boire, puis (ayant été soutenue par sa colocataire noire et une militante féministe) devient une passionaria antisexiste et antiraciste (y'a t'il scénario plus douteux que de montrer un viol amenant à une évolution positive ?)
-son agresseur blanc qui décide de violer cette fille à l'origine consentante parce qu'il a la flemme de faire 3 pas pour aller chercher un préservatif, et qui par ailleurs est vraiment un sale type (il dit "nigger" à la colocataire noire de la nana !!)
-une militante féministe lesbienne qui a des principes (elle refuse les avances de celle qui a été violée parce que ce serait pas bien d'en profiter pour la convertir à autre chose qu'au militantisme, ouf les intentions de la gauche sont bien pures)
-un gentil blanc aux cheveux longs, vaguement pro féministe et ami des noirs avec qui la passionaria finira (ouf tous les hommes blancs ne sont pas des monstres, il y a même une exception qui confirme la règle)
-les autres étudiants blancs, ayant pour activités organiser des fêtes, essayer de faire boire les étudiantes, former des attroupements après des incidents en regardant les noirs d'un air inquiet et avoir des réactions de peur quand ils les croisent dans des couloirs
-deux pétasses blanches qui vont boire dans des fêtes, critiquent la coiffure de leur copine et la laissent partir bourrée avec son futur violeur (seules représentations d'étudiantes blanches hors des militantes féministes)
-un jeune paumé de l'Iowa fils d'un survivaliste "qui le battait et l'a initié au tir à partir de l'âge de 9 ans" ayant du mal à s'intégrer à la fac, qui deviendra skinhead (c'est le seul personnage à avoir un background aussi fouillé, voire un background tout court)
-un groupe de skinheads télépathes sortis d'on ne sait où (ils ne sont visiblement pas étudiants mais vont sur le campus recruter Le gars de l'Iowa dont ils ne savaient rien mais que son origine prédisposait à partager leurs idées, gars qui a les cheveux longs à l'époque), groupe dont les occupations consistent à boire des bières dans un local tapissé de croix gammées en se plaignant de la discrimination positive entre deux opérations coup de poing sur le campus
-des groupes d'étudiants asiatiques et latinos (figurants n'apparaissant que comme des attroupements sur le parc du campus, je ne sais pas s'ils ont été inclus pour faire inclusif ou pour souligner qu'il y a d'autres communautés dans le coin, encore plus renfermées sur elles mêmes que les noirs et les blancs, mais qu'ils disparaissent quand il commence à y avoir de l'action tandis que les noirs affrontent seuls les skins ne renforce pas vraiment le message antiraciste du film)
-un étudiant juif bosseur (personnage totalement secondaire mais totalement à plaindre, ses scènes consistant à se faire casser les oreilles par les noirs-qui-mettent-de-la-musique-trop-fort, à se faire détruire ses affaires par son colocataire blanc devenu néo-nazi et à se faire braquer avec un flingue quand il y réagit, après quoi il disparait lui aussi)
-un personnel de sécurité de la fac entièrement blanc, qui passe son temps à prendre la tête aux seuls noirs pour illustrer son racisme, ce qui conduit au clou du spectacle


quand, deux jours après qu'un skinhead ait été vu braquant des gens avec un flingue, et juste après un mass shooting lors d'un événement antiraciste, ils voient un noir se battre avec un skinhead descendant l'escalier du bâtiment d'où les coups de feu ont été tirés ils tabassent le noir et demandent au skin si tout va bien


Ajouter des armes à feu "qu'un pote flic a donné à un des skinheads", mélanger le tout dans un grand seau jusqu'à ce qu'il y ait du sang, saupoudrer d'effets de mise en scène superflus (baston au ralenti, travelings de droite à gauche pour souligner le malaise ambiant, inversions de personnages à la Chiens de Paille lors d'une scène d'amour), et de beaucoup grandiloquence, remplacer finalement "The End" par "Unlearn" parce que ça fait joli (et même si c'est contraire à tout le discours des role model du film invitant via le héros à apprendre pour s'armer de connaissances, mais bon j'imagine qu'unlearn s'appliquait aux préjugés / stéréotypes ou un truc comme ça, mais je ne vois pas trop en quoi ce film en alignant tant conduit à ce message final).


En conclusion, euh j'en trouve pas si ce n'est que n'est pas Spike Lee qui veut.

Antonio-Palumbof
4

Créée

le 11 déc. 2017

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