Fighter était l'un des évènements de l'année 2010 et on comprend aisément pourquoi. Est-ce à cause de son sujet ? De son portrait d'une Amérique pauvre et délaissée ? De son casting parfait ? De sa mise en scène sobre mais efficace ? De son scénario puissant ?
Si c'est le jeu des acteurs qui a fait sensation et qui a été largement acclamé par la critique, c'est le film tout entier qui est une belle réussite. Les dialogues sont intelligents. Les personnages ont tous une identité forte. On assiste d'ailleurs à un formidable combat d'acteurs. Christian Bale place la barre très haute. Quelle métamorphose ! Quelle performance ! Les acteurs se sentent donc obligés de donner le meilleur d'eux-mêmes. Amy Adams n'est plus la petite fille sage. Melissa Leo se transforme en Agrippine. Seul Mark Wahlberg joue un rôle dans la lignée des Stallone et autres gros bras d'Hollywood. C'est le personnage central du film, mais il est éclipsé par ses compagnons. En revanche, il donne de sa personne et de son physique.
Fighter aurait pu avoir un tout autre sujet que la boxe, car on sent bien que ce qui intéresse ici David O. Russel c'est une foultitude de sujets, mais avant tout il veut aller à la rencontre d'une Amérique délaissée qui est en quête d'une identité. La gloire de Lowell, petite ville paumée, n'est autre qu'un ancien boxeur qui aurait fait chuté Sugar Ray, mais qui maintenant, n'est qu'un drogué. Lowell s'agrippe au moindre de ses habitants qui a une once de potentiel. La ville est un vaste clan. On ne trahit pas les siens. On ne quitte pas Lowell.
David O. Russel exprime parfaitement cette condition à double tranchant. Mickey (Wahlberg) est soutenu par sa famille. Ellel ne le lâche pas d'une semelle, mais c'est aussi son frère et sa mère qui le trainent dans la boue depuis des années. Ils le protègent mais lui font affronter leurs échecs passés. Il doit réussir car eux ont échoué, et ils placent tous leurs minces espoirs en lui. Nous sommes alors dans une spirale autodestructrice dont le point d'aboutissement surgit avec l'arrestation musclée du frère de Mickey, Dicky. Avec cette arrestation, les liens familiaux s'effritent dangereusement. Chacun se doit de prendre parti pour un camp ou pour l'autre.
Echouer mais rester fidèle à sa famille ou bien partir seul à l'aventure et peut-être rencontrer la gloire. On retrouve un peu la mythologie du Parrain dans Fighter. Le poids de la famille y est considérable et il écrase Mickey chaque jour un peu plus.
David O. Russel décrit avec "authenticité" cette ville. Il parvient parfaitement à nous y faire ressentir l'atmosphère et le type de vies qui y règne.
La boxe, sport cinématographique par excellence, est un moteur dynamique du film car la caméra nous place dans l'arène. Le réalisateur nous fait ressentir les coups reçus, il nous fait partager l'intensité des coups donnés, il nous fait trembler, espérer le K.O final, le moment où le boxeur adverse ne se relèvera pas et où l'arbitre saisira le bras du vainqueur pour l'élever bien haut. Ce sont des moments plein d'émotions. David O. Russel ne nous les épargne pas et, bien qu'ils soient très connus des spectateurs, on en apprécie ici le charisme.
Fighter est un portrait intelligent, servi par des acteurs engagés, d'une famille pauvre, engluée dans une ville provinciale américaine mais qui lutte chaque jour pour s'en sortir. Ils veulent leur trophée, quitte à sacrifier l'un des leurs. Ils veulent, tout simplement, une raison de vivre, d'espérer.