Satanée testostérone ! Si la demande n'existait pas, l'offre serait quasiment inexistante car les femmes ne vendent par leur corps pour leur plaisir et aucune petite fille ne souhaite être prostituée quand elle sera grande comme elle rêverait d'être hôtesse de l'air, infirmière ou maîtresse d'école. Le plus vieux métier du monde n'est ni un métier, ni une vocation mais une descente aux enfers. Il est le fruit de la pauvreté, de la misère et du désarroi qui en découle et il devient très vite pour celui ou celle qui en tire de quoi vivre une souffrance que seule une addiction permet parfois d'apaiser pour quelques instants. La prostitution est un enfermement dans une condition dont l'issue est incertaine.


Filles de joie de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich met en lumière trois femmes qui partagent un même destin, celui de vendre leurs corps à des hommes dans une maison close de Belgique. Elles ont en commun de vivre dans le nord de la France et de traverser chaque matin une frontière désormais inexistante pour se rendre en Belgique où pullulent les établissements hébergeant le commerce des charmes. Avec l'avantage que cette prostitution est plus discrète, se pratique en échappant aux aléas météorologiques et aux inconvénients d'une législation de plus en plus répressive en France. Contre 50% de leurs revenus reversés aux Dodo la Saumure locaux, les ex-péripatéticiennes bénéficient du gîte, du couvert et de l'outil de travail fait de lingerie fine et de talons aiguilles qui affinent les chevilles contribuant ainsi à affoler les sens d'une clientèle qui n'est pas que belge.


Axelle/Sara Forestier est mère de trois enfants dont le père n'est ni son mari, ni son compagnon mais un ancien client. Elle vit avec ses enfants dans un immeuble donc les appartements sont à loyer modéré. Sa mère vit avec elle et s'occupe de ses jeunes enfants quant elle est au bureau.


Dominique/Noémie Lvovsky est une mère de famille d'âge mûr avec des enfants presque sortis d'affaire. Le père est chômeur professionnel en marcel blanc, son fils aîné vit des subventions de sa mère et sa fille adolescente cherche sa voie avec les garçons du quartier.


Conso/Annabelle Lengronne est voisine de coursive d'Axelle. Elle vit seule et n'a pas renoncé à rencontrer le prince charmant avec qui elle fonderait une famille. En attendant, elle calme ses angoisses en sniffant des rails de cocaïne agrémentés d'alcool fort.


Les trois amies de circonstances se rendent ensemble en co-voiturage sur le lieu d'exercice de leur activité, dans la bonne humeur et parfois de grands éclats de rire. Ces mêmes rires qui leur viennent quand elles font un concours d'imitation d'orgasmes en attendant le chaland. Cette bonne humeur affichée se transforme parfois en agressivité que seule l'apparente sérénité de Dominique arrive à apaiser.


Si les difficultés pécuniaires sont désormais absentes, il n'en est pas de même des soucis de la vie affective et familiale. Dominique n'en peut plus d'être la vache à lait d'une famille qui la parasite en feignant d'ignorer d'où provient l'argent qui fait vivre tout le monde. Le prince charmant de Conso lui a caché qu'il était marié, que sa femme était enceinte et que l'enfant de lui qu'elle rêve de porter ne serait pas reconnu. Axelle sent que Yann/Nicolas Cazali, le père de ses enfants se fait de plus en plus envahissant et que tôt ou tard le conflit avec lui éclatera sans qu'elle puisse deviner quel en sera le déclencheur.


Les filles sont, malgré quelques fulgurantes prises de bec, très solidaires et la rancune leur est étrangère. Le moment est venu de donner une leçon à Jean-Fi/Jonas Bloquet pour qu'il cesse de tourmenter Conso par ses promesses sans lendemain. Quand Yann finit par sortir du bois pour tenter de soustraire les enfants à Axelle, c'est la mère de cette dernière qui l'assomme et Dominique appelée à la rescousse lui fait passer toute velléité de recommencer en l'étouffant avec un oreiller.


Certains reprochent au film de ne pas camper avec suffisamment de dignité ces Fantine modernes et de passer sous silence la misère et la précarité qui devraient les assaillir davantage. D'autres reprochent au scénario de montrer un univers trop glauque presque misérabiliste.


Si la vie de Dominique, Axelle et Conso n'était pas un long fleuve tranquille elle ne l'est pas plus maintenant. Leur existence est devenue plus confortable que si elles vivaient des aides sociales, des bontés des dames patronnesses ou d'un emploi de technicienne de surface mais elle est devenue une autre vie de misère. Une vie qu'on n'a pas forcément envie d'aller regarder au cinéma, surtout en ce moment ce qui peut expliquer que le film contrarie.


La noirceur du monde ne m'a peut-être pas enseveli à mon tour en raison du plaisir que j'ai à revoir Sara Forestier même si j'aimerais qu'elle se renouvelle un peu.


Et ton vocabulaire tu élargiras...


Filles de joie-Péripatéticiennes-Femmes de réconfort-Filles publiques-Castors-Hirondelles-Panoramistes-Putains-Putes.


Maisons de tolérance-Maisons closes-Lupanars-Bordels-Claques-Bars montants-Bordes-Bordel militaire de campagne (BMC)

Freddy-Klein
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le 11 juil. 2020

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Freddy Klein

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