Aussi étrange que cela puisse être, on n’avait jamais eu jusqu’à présent une biopic centré sur l’astronaute Neil Armstrong, l’homme américain qui a marché sur la lune et justement sur les débuts de la colonisation du satellite. Alors qu’on tient pourtant là un gros morceau de l’histoire de l’humanité qui avait pourtant tout pour une transposition en format cinéma, d’autant qu’à côté il y avait déjà eu la sortie de 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick qui avait déjà abordé la colonisation spatial dans son œuvre de SF aujourd’hui connu de tout cinéphile. D’ailleurs on aurait tout aussi bien pu voir Clint Eastwood prendre le projet en charge, ce dernier ainsi que la Warner ayant acheté les droits en 2003 de la biographie de Neil Armstrong mais ça ne s'est pas fait.


Il est encore plus drôle de se dire que First Man honore une sorte de petite tradition au sein du cinéma de science-fiction de ces dernières années puisqu’on a toujours eu, depuis 2013, une œuvre spatial ou de science-fiction qui a flatté l’avis critique et général ou au moins laissé une forte impression, chacun avec son propre approche du sujet que ça soit un film originale, une suite ou une adaptation d’œuvre de SF. Gravity d’Alfonso Cuaron en 2013, Interstellar de Christopher Nolan en 2014, Seul sur Mars de Ridley Scott en 2015, Premier Contact de Denis Villeneuve en 2016, Blade Runner 2049 en 2017 du même réalisateur et cette année Damien Chazelle qui est à son tour sur le devant de la scène pour son quatrième film.


Ce qui est le plus surprenant, c’est que ça n’est pas plus une biopic focalisé sur Armstrong qu’un documentaire cinématographique et une œuvre d’immersion qui se veut proche de sa figure iconique et de son entourage. Le lien entre la vie professionnelle et l’intimité de l’astronaute en deuil est rapidement fait en l’espace de quelques minutes et Chazelle continuera logiquement sur cette portée en laissant le soin aux images de dialoguer les émotions de ses personnages et l’importance des faits.


Si d’aucun pourrait effectivement reprocher, sur ses 3 derniers films, à Damien Chazelle de manquer de personnalité dans sa patte technique, je lui reconnais à l’inverse de varier grandement son approche scénique et de tout faire pour l’adapter à son sujet. Ici, exit les nombreux plans larges à Los Angeles, les travellings et plans-séquence ou les couleurs chatoyantes et virevoltantes de La La Land. Et bonjour à la caméra à épaule proche de ses protagonistes, les plans plus serrés en intérieur (au sein du cockpit notamment ou il se permet de naviguer sans mal sur les commandes) accompagné d’une Shaky Cam lors des vols spatiaux (la mission Gemini 8 en est une très bonne illustration) en intérieurs à la maniabilité qui n’a rien à envier à Paul Greengrass dans ses adaptations de fait divers et une photographie de Linus Sandgren à l’aspect très daté, moins propre en terme de couleur mais qui trouve tout son sens avec la démarche documentaire.


Le risque avec l’approche documentaire d’un tel sujet, c’est le manque d’attache avec les personnages et de réduire le spectateur à celui de témoin mais sans investissement émotionnelle. Et le fait que Neil Armstrong reste vague sur ce qui le motive à participer à l’expédition lunaire (en témoigne le choix de Ryan Gosling qui revient à un rôle beaucoup moins loquace après celui de Sebastian dans La La Land) ne sera pas au goût de tous. Mais ce choix a, je trouve, un sens parfaitement raccord avec l’un des thèmes que l’on distingue déjà dans Whiplash et La La Land avec le batteur Andrew et le duo amoureux Mia/Sebastian : l’ambition et la passion plus ou moins dévorante (si ce n’est de la fascination) pour un art ou un domaine spécifique. Chacun étant en quête d’un idéal, d’un but fixé pour des raisons plus ou moins établies.


D’autant qu’à l’inverse, la performance très expressive de Claire Foy (excellente au passage) constitue une très bonne contrepartie au jeu de Ryan Gosling tout en retenue. Non en la montrant comme un obstacle au but de son époux mais comme spectatrice tantôt aimante, tantôt spectatrice impuissante face aux aléas qui constitueront le parcours d’Armstrong jusqu’aux premiers pas sur la lune et aussi raisonnée lorsque Neil se laisse absorber par des devoirs professionnelles qu’il semble s’être forgé personnellement au détriment de ses devoirs paternels.


Et enfin, il n’est pas à négliger le fait que ce film porte sur ses épaules le sujet même pour lequel on a longtemps attendu de voir cette biopic prendre vie : décrocher la lune (au sens figuré bien sur). Le film fait le choix judicieux de ne pratiquement faire aucune allusion à toute forme de patriotisme américain (excepté la course à la colonisation spatial avec l’URSS, on n’a aucun plan sur le drapeau américain), de rester dans le filmage de l’intime, la préparation au grand événement et l’impact qu’il a laissé et suscité.


Des critiques virulentes sur la débauche de moyen employé à un projet qualifié d’irréaliste et comme un gâchis colossal ou les nombreuses pertes autour de Neil Armstrong qui jalonneront son parcours jusqu’aux premiers pas de l’homme sur l’astre lunaire ! First Man regorge tantôt de moment d’immersion douce passagère (l’amarrage à un satellite-cible) que lorsqu’il traverse un moment de panique à la tension palpable et la place que l’on tente d’accorder à Neil Armstrong en deuil plus d’une fois.


Que ça soit sa petite fille ou ses partenaires astronautes au fil des années, on retrouve constamment l’aspect humain de First Man ou on sent le poids qui s’alourdit sur les épaules de Neil Armstrong (portant un deuil qui se fait de plus en plus entir) mais ou le dépassement de soi reste de mise sans pour autant faire l’objet de rappel pataud ou poisseux via des dialogues inutile ou abusivement appuyés. Ce qui touche aux motivations d’Armstrong quand à la mission lunaire reste relativement suggestives


(une passion non communiqué verbalement de la découverte spatial ? Une promesse personnelle envers sa fille décédée Karen ? Honorer la mémoire de ses partenaires décédés bien plus tôt ? Les idées ne manquent pas)


et le portrait est assez sobre quand on arrive enfin au grand moment clé tant attendue ou le temps semble figé dans l’immensité spatiale et durant les premiers pas lunaire de l’humanité, bien soutenue par la musique plus discrète que précédemment mais toujours de qualité et qui ne se prive pas de certaine détonation sonore les moments venus (The Landing).


First Man n’a pas le même impact émotionnelle que les deux précédents films du cinéaste franco-américain et n’évite pas certains moments de froideurs qui assombrissent le tableau, malgré cela il n’en reste pas moins une belle œuvre de la part de son auteur que ça soit dans sa volonté de diversifier les genres auxquels il s’attaque tout en conservant ses thèmes. Si un projet de série pour Netflix est toujours d’actualité, je suis bien plus intrigué à l’idée de voir si Damien Chazelle reviendra à ce qui l’a fait connaître ou s’il poursuivra la découverte d’autres genres et sujet afin d'enrichir son parcours.

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le 26 oct. 2018

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Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

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