Le succès de La la land a littéralement satellisé Damien Chazelle qui après avoir investi les codes hollywoodiens de la comédie musicale se retrouve en orbite pour retracer le parcours de Neil Armstrong, jusqu'à son passage sur la lune. Après l'échec sur le fil de La La land à remporter la plus grande des statuettes, on pouvait penser que le projet, réunissant autant Chazelle et Hurwitz déjà primés, que Josh Singer (scénariste primé pour Spotlight) et récupérant Ryan Gosling n'était qu'une seconde chance de pouvoir triompher aux Oscars. C'était sans compter sur le talent de Chazelle qui encore une fois arrive à transcender un film qu'on aurait pu penser assez programmatique.
La premier élément qui étonne et qui permet au film de décoller du programme habituel du biopic c'est la capacité de Chazelle à intégrer ses références qu'il a suffisamment digérées pour se les réapproprier. La séquence de docking sur une valse fait par exemple directement appel à 2001 mais n'est pas juste placée comme un clin d’œil complice au connaisseur, elle s'intègre complètement en véhiculant des émotions différentes de la scène originale. De la même manière, les séquences familiales illustrant le deuil d'un enfant renvoient à Tree of life tout en le réinterprétant de manière plus terre à terre : chez Chazelle, la balançoire est immobile dans la nuit. First man dépasse donc le patchwork de références pour gagner une identité propre.
Le second point qui assure au film une ampleur plus vaste que la plupart des biopics hollywoodiens est la musique de Justin Hurwitz. Cette musique a des accents plus classiques que les interprétations spatiales que Hans Zimmer avait livrées pour Interstellar mais est tout aussi épique. Le morceau "The landing" par exemple amplifie grandement la force de la scène d’atterrissage sur la lune en lui proférant une certaine puissance iconique. Cette musique est associée à un excellent travail sur le son, tout aussi attentif à faire ressentir la poussée des réacteurs que le danger du voyage à travers les tremblements des carlingues (cf la belle séquence d'ouverture, toute en vibration). Cette ambiance sonore renforce l'aspect immersif, au plus proche des astronautes, déjà amorcé par la grande quantité de gros plans, en particulier sur les visages aux regards à la fois excités, rigoureux et apeurés.
Damien Chazelle livre avec First man un film sortant du moule des films à Oscars mais dont le sérieux de la mise en scène permet de dépasser l’académisme redouté et de proposer une formule très efficace malgré un certain classicisme du sujet et de la forme.