Damian Chazelle creuse le sillon de La la land en réinterprétant l'âge d'or américain. La scène d'introduction (la reconstitution d'une sortie extra-atmosphérique) résume la performance générale du film : défaire l'image lisse de la conquête spatiale pour en dévoiler sa face cachée, la part intime et solitaire, celle du pilote dans son cercueil d'acier, des boulons que l'on ressert sur le pas de tir, des vitres qui se couvrent de gel, des sons monstrueux qui viennent se fracasser sur la carlingue, et celle de cette aventure gigantesque, mondiale, reposant sur les épaules et les sens d'un seul homme. Cette reconstitution, le film va la répéter dans une succession de missions, sans trouver réellement d'autres angles. La vie de Neil Armstrong défilera sous nos yeux, comme celle d'un homme-machine que Ryan Gosling interprète à la perfection (mais ce n'est pas réellement un compliment). Ce qui manque alors au film, c'est le courage d’assumer cette radicalité, de rester un objet sec, mathématique et sinistre, comme pouvait l'être le Dunkerque de Christopher Nolan. Ce qu'il y a en trop, c'est cette scène finale sur la Lune où Neil Armstrong, sans raison, relève sa visière pour que le spectateur puisse voir ses larmes. À travers cette mise en scène, Damian Chazelle ne filme plus l'astronaute mais l'acteur, l'acteur qui montre son émotion à la caméra, et l'exercice de vérité de redevenir subitement, outil de manipulation. Propagande, quand tu nous tiens.