Ces dernières années, j'attribue très rapidement à Damien Chazelle et son acolyte Justin Hurwitz, les titres des meilleurs cinéastes et meilleurs compositeurs. Les deux, main dans la main, conjuguent l'art visuel et la musique avec finesse. Un savoureux cocktail dans lequel s'amalgame couleurs vives, notes rythmantes et plans immersifs. Ils ont pu nous emporter dans les entrailles d'un instrument de jazz avec Whiplash, tandis qu'avec La la land, ils nous berçaient de leur poésie. La poésie de la comédie musicale et de l'urbanisme.
Cela dit avec le projet Apollo 11, j'avais peur ma foi, d'une descente aux enfers. Une descente en rappel vers l'adaptation et la réadaptation d'épisodes historiques sans saveurs, on observerait.
Loin de là l'idée d'avoir un désintérêt pour les programmes spatiaux et plus largement pour l'histoire cinématique, bien au contraire.
Toutefois, ce n'était pas - dès le lancement de la production - un projet qui m'intéressait... Les archives, la littérature, les documentaires nous avaient déjà servi à plusieurs reprises les périples de jeune maître Armstrong. Je n'étais pas tant épuisé par la thématique, je ne l'a maîtrise pas non plus, mais disons que je préfère que l'on me propose un œil neuf, un angle différent par lequel on peut aborder la chose... Sur ce point-là, j'applaudirai davantage Les Figures de l'Ombre.
First Man, une descente aux enfers ? Non, c'est bien trop radical comme métaphore. Mais gardons cette image-là, et je jouerai le rôle du dieu des enfers qui porte ses jugements cinématographiques. La prise de position de Chazelle, retranche son oeuvre dans quelque chose de bien trop sobre et linéaire. Si j'affectionne certains plans subjectifs et mouvements de caméra minimalistes mais purement fonctionnels, je suis cependant tenté de jeter le reste à Cerbère.
Conjointement, J.Hurwitz me séduit moi et le clébard à triple babines, de par ses extraordinaires compositions. Puis là, pas d'exception, toutes sont d'une extrême finesse, et accompagnent progressivement aux violons les images que nous connaissions par cœur.
Allez part Hurwitz ! Et ne te retourne jamais pour voir ton acolyte s'il suit bien tes pas. Je le garde encore un peu avec moi.
Après le visionnage, je prends un peu de recul. Je perçois finalement que Neil est comme la Terre. Celle qui autrefois ne faisait qu'un avec notre satellite naturel. Sa fille, son petit trésor de deux ans qui décède, symbolise l'astre, caché dans les ténèbres à quelques 385 000 km de la grande bleue. La petite Karen Armstrong en devient Lune et se détache du monde du vivant, la Terre. Puis ces plans noirs, très noirs qui représentent le néant, les ténèbres et la solitude, c'est vers là qu'ira Neil.
Les plans silencieux et de non-situation connotent le manque. Le père de famille s'efface laissant apparaître que l'ingénieur, la machine... Une part d'humanité refera néanmoins surface de manière sporadique, quand Armstrong foulera le sol de la Lune... Et c'était finalement beau à comprendre.
Ma propre version ? Celle du réalisateur ou celle de Neil ? Peu importe je l'ai ressenti comme ça, et finalement, Chazelle m'a également persuadé, tout comme son compère musical...
Orphée au violon pour parler de Hurwitz, Orphée à la narration pour parler de Chazelle, les deux auteurs repartent en fin de compte sains et saufs de mon jugement... Mais bon, la prochaine fois, surtout avec des réadaptations bien trop célèbres je serai moins indulgent.
Le tartare, direct.