« Fish and Chips » est un film d'une incroyable justesse. Sous ses faux airs de comédie sans prétention, il aborde un problème social très particulier: la difficile intégration des Pakistanais dans l'Angleterre des années 70. (dis comme ça, on croirait le titre d'une thèse de sociologie...)
Bien que réalisé par un anglais , ce film est librement adapté d'une pièce autobiographique d'Ayab Kahn-Din; une pièce qui a connu un grand succès à Londres.
Loin d'effacer ce côté autobiographique, Damien O'Brien filme cette chronique familiale en adoptant une véritable démarche naturaliste. Sa réalisation est maîtrisée mais sans esbroufe; la caméra semble plus s'adapter aux personnages, que les contraindre à des impératifs esthétiques; les couleurs délavées collent parfaitement à l'esthétique seventies et donnent aux images leur aspect documentaire, non truqué.
C'est cette impression de chronique autobiographique qui rend le film si sincère et si touchant.

Dans sa première partie, « Fish and Chips » semble, en effet, être une étude de moeurs, légère et décomplexée, des Pakistanais d'Angleterre. L'étude de toute une communauté ramenée au microcosme de la famille Kahn.
Chaque membre de cette famille est en effet le stéréotype d'un courant de pensée ou d'une problématique sociale: le père qui veut à tout pris imposer les traditions pakistanaises à ses enfants, quitte à les renier; son premier fils qui le suit aveuglément pour ne pas le froisser; son second fils qui essaye de s'intégrer au mieux à la jeunesse anglaise, quitte à renier ses origines; sa femme, anglaise pure souche, qui met en avant les incompréhensions culturelles des couples mixtes; son voisin, symbole d'une Angleterre repliée sur elle-même, qui a peur de « l'autre »...
Ces personnages n'ont pas de réelle individualité; ils sont des allégories...

Mais lorsque le père se met à arranger des mariages à deux de ses fils, le film passe de l'étude de moeurs de toute une communauté, à un drame familial en huis clos. Alors que la famille Khan implose, les personnages qui n'étaient jusqu'ici que des stéréotypes ambulants, simples moteurs de situations comiques, prennent consistance. Et on entre sans l'avoir vu venir dans le traquenard en clair-obscur d'une tragi-comédie.
Avec comme pilier central, un personnage que n'aurait pas renié Shakespeare: Georges Kahn.
Très justement surnommé Genghis Kahn par ses enfants, il leur impose les traditions d'un pays qui n'est pas le leur. Ce n'est pas par conviction qu'il le fait -puisque lui-même a épousé une anglaise- mais pour une question d'honneur.
Loin d'être caricatural, son personnage est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Il est un émigré, perdu entre deux pays, entre deux cultures... Mais il est aussi un père tiraillé entre l'amour de sa famille et les codes d'honneur de sa communauté.
Chaque personnage, d'ailleurs, possède sa propre dualité, que la magnifique bande originale vient souligner dans un mélange de rythmes pakistanais et british.

« Fish and Chips » a été un véritable succès public en Angleterre. Et même si son sujet peut nous paraître lointain, cette chronique parle avant tout de famille, d'éducation, de rapports père/fils, de choc des cultures, et elle en parle avec tant de force et de sincérité qu'on ne peut qu'être touché.
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le 22 mai 2012

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