Brian Sweeney Fitzgerald. Voilà un nom qui claque, appelant à une destinée hors du commun. Dans celle de Brian Sweeney Fitzgerald, surnommé Fitzcarraldo, il y a paradoxalement de la grandeur et de la futilité, lui qui ne rêve que d'une chose, construire un opéra au beau milieu de la forêt amazonienne. Afin de financer son projet, Fitzcarraldo investit dans une concession d'arbres à caoutchouc. Il n'existe qu'une solution pour rejoindre l'exploitation, remonter l'Amazone. Fitzcarraldo achète alors un vieux rafiot qu'il fait retaper et engage un équipage. S'ensuit alors un périple le long du fleuve et à travers la jungle où un défi de taille l'attend, hisser son bateau à vapeur en haut d'une montagne.


Que serait Fitzcarraldo sans Klaus Kinski ? Cet incroyable acteur qui, avec son visage émacié et son regard de dément, incarne la folie et l'irascibilité de ce personnage. Un acteur insupportable, hystérique, malade, qui se lavait à l'eau minérale et qui poussa à bout les figurants indiens Machiguengas au point que trois d'entre eux allèrent voir Herzog pour proposer de l'abattre. Que serait d'ailleurs Fitzcarraldo sans Werner Herzog ? Le réalisateur eut l'idée du film lors d'un voyage en Bretagne où il visita les alignements de menhirs de Carnac. Fasciné par la capacité de l'homme à avoir réussi à édifier ces alignements, il eut de ce voyage la vision d'un bateau passant au-dessus d'une montagne.


Fitzcarraldo pourrait être un héros camusien du cycle de l'absurde. Dans son essai, Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus qualifiait Sisyphe d'héros absurde. Un héros maître de son destin et heureux, ce qui peut sembler paradoxal au vu de son châtiment.


Fitzcarraldo, c'est le rêve fiévreux d' Herzog pour cette jungle dix ans après Aguirre, la colère de Dieu. Un autre rêve tout aussi halluciné, une autre bataille tout aussi périlleuse. Tout est démesure dans la mise en scène avec comme paroxysme l'incroyable scène du bateau passant par-dessus une montagne.


Le cinéma d' Herzog est comme une partition dont le réalisateur allemand serait le chef d'orchestre, coordonnant cette sorte de conquête de l'inutile entreprise par Fitzcarraldo. Et comme disait Caruso, dont la voix de ténor, tenant à distance les indiens, résonne encore le long de l'Amazone qui serpente au milieu d'une jungle inextricable :



Les Français sont faits pour composer de la musique d'opéra, les Italiens pour la chanter, les Allemands pour la jouer, les Anglais pour l'entendre et les Américains pour la payer.


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le 3 déc. 2020

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Vincent Ruozzi

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