Fleur empoisonnée (1980)- 薔薇の貴婦人 : 昭和エロチカ / 70 min.
Réalisateur : Katsuhiko Fujii - 藤井 克彦.
Acteurs principaux : Erina Miyai - 宮井 えりな ; Asuka Yuko - 飛鳥 裕子..
Mots-clefs : Japon ; Roman-Porno ; Huis Clos.


Le pitch :
Au cours de l'hiver 1941, Kumiko, une marquise, fuit son vieil époux pervers et trouve refuge dans les bras d'un artiste. Ce dernier décide d'aller à la rencontre du marquis, reclus dans son manoir, pour lui demander de quitter sa femme. La requête de l'amant n'étonne pas le vieil homme outre mesure. Il l'invite même à séjourner chez lui quelques jours, le temps de lui narrer l'histoire de Kumiko. Un étrange huis clos s'installe dans un manoir aux mœurs incertaines.


Premières impressions :
C’est la fête de la VOD les ami.e.s, ce qui veut dire que pendant quelques jours il devient possible de louer à prix modique des tas de films pour lesquels on n’aurait pas osé miser gros. Comme tous les ans, j’ai fait mon marché sur Universciné en lorgnant cette fois-ci du côté des très nombreux romans-porno de la Nikkatsu. Devant le vaste choix et les affiches peu inspirantes je m’en suis remis au pitch et « Fleur empoisonnée » avec son histoire de huis-clos dans un manoir en pleine seconde guerre mondiale m’a très vite inspiré pour ma nuit insomniaque. Un seul mot d’ordre quand on fouille dans les cinémathèques, être curieux et que j’ai bien fait !


Un artiste-peintre tombe amoureux de son modèle et lors de leurs premiers ébats, il constate que son amante a, comble de l’impudeur, l’entrejambe rasée. Bien vite, elle laisse entendre que son vieux mari la maltraite et notre jeune artiste de décider de sauver sa belle en arrachant celle-ci des bras du vilain pervers. N’écoutant que son courage, il prend la direction du manoir loin d’imaginer dans quel bourbier il vient de se fourrer. Le marquis ne prend pas vraiment ombrage de la requête, sûr d’être le seul à pouvoir rendre heureuse Kumiko. C’est la guerre et lui ne risque pas d’être appelé pour mourir au front. Il propose même au jeune homme de rester dormir.


Seulement les chambres ne sont pas innocentes et le manoir est truffé de miroir sans tain. Bientôt, de nouveaux convives sont présentés et la soirée sauvetage tourne à la bizarrerie. Une jeune japonaise en uniforme allemand, amie du marquis, s’organise un plan à trois dans une des chambres avec deux acolytes mais elle est agressée dans la salle de bain par des mains inconnues. Vite un docteur ! La capitaine n’a pas le temps de se remettre que la police sonne à la porte du manoir à la recherche d’un espion communiste en fuite. Que personne ne bouge ! Le film tourne alors peu à peu au thriller dans un dispositif voyeuriste sans qu’on ne sache vraiment qui observe qui. La marquise, elle, semble se délecter de la confusion de ses invités.


Drôle, étonnant, dérangeant, curieux, Fleur empoisonnée a réussi à m’impliquer dans son histoire bien plus que je ne l’espérais. Par son lieu, son thème et son déroulement, le film ressemble à un enfant illégitime de « La maison des perversité » de Noboru Tanaka et de « Mademoiselle » de Park Chan-wook. On y retrouve cette mise en abyme du spectateur, le questionnant sur son propre voyeurisme, sur son propre rapport au grand n’importe quoi qui se passe à l’écran. « Espériez-vous vraiment échapper à votre perversité en rejoignant ce manoir ? » semble nous dire le réalisateur. On y retrouve aussi ce jeu du thriller, des jeux de dupes et de faux-semblants de Mademoiselle.


Qui agresse qui dans le fond ? La jeune marquise est-elle la victime qu’elle prétend être ? À qui appartiennent ces mains gantées ? Pourquoi cette jeune japonaise porte-t-elle un uniforme allemand ? Le jeune artiste est-il l’espion communiste recherché par la police ? Comme le jeune homme, le spectateur doit faire face à ces questions de Cluedo étrange, oubliant presque qu’il regarde un film érotique.


Le réalisateur Katsuhiko Fuji n’est pas à ma connaissance un des grands maîtres du cinéma pink japonais. Du peu que j’ai pu trouver sur lui, il ressemble surtout à un ouvrier à la chaine du grand studio nippon. Jugez donc, en 1972, le gars ne tourne pas moins de neuf films ! Tous des érotiques servant à alimenter les cinémas pour des doubles séances. Plus ! Sa fiche Imdb recense 59 films sortis entre 1972 et 1994 qui semblent tous appartenir à cette même catégorie (on y trouve un étrange Tokyo Emmanuelle Fujin). Aucune page Wikipédia ne peut m’éclairer plus sur la carrière du bonhomme, anonyme parmi les cohortes de réalisateurs de films B. Et pourtant, Fleur empoisonnée dépasse de très loin le seul cahier des charges consistant à rincer l’œil du spectateur. Sans être aussi sublime que les films de Noboru Tanaka, Katsuhiko Fuji a assurément su créer un climat bizarre et dérangeant qui fascine autant qu’il fait sourire. Ce dépassement de fonction, c’est exactement la raison pour laquelle les roman-pornos de la Nikkatsu se démarquent tellement de la production tout venante.


Pour conclure, Fleur empoisonnée est vraiment un drôle de truc pour un regard occidental. Malgré un aspect un poil daté, il saura étonner le cinéphile curieux.

GwenaelGermain
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Créée

le 9 oct. 2020

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