Fog
6.7
Fog

Film de John Carpenter (1980)


23h55. Presque minuit. Juste le temps d'une dernière histoire...




Après Halloween : La Nuit des masques, John Carpenter confirme son talent avec FOG



Après l'immense succès de « Halloween : La Nuit des masques » sortie en 1978, le réalisateur John Carpenter arbore un aspect horrifique plus fantastique avec une bonne vieille histoire d'épouvante sur des fantômes vaporeux. L'idée d'un tel scénario est apparu au cinéaste lors d'un déplacement en Angleterre, où il s'est retrouvé ébahi face à un gigantesque brouillard tellement épais qu'on ne voyait pas à trente centimètres devant. Instantanément, son imagination macabre va prendre le pas avec un raisonnement qui apparut telle une évidence : « et si des créatures maléfiques se déplaçaient en son centre ». Il en fallut pas plus au cinéaste pour dresser les bases d'un scénario coécrit avec la productrice et scénariste Debra Hill, qu'il porterait sur le grand écran. Le talent, ça ne s'invente pas.


Quoi de mieux pour mettre dans l'ambiance que de commencer son histoire d'épouvante par un préambule à la « Il était une fois...». Un récit conté autour d'un feu de camp par un vieux personnage taciturne pour une bande de gamins. Un mythe local effrayant juste avant d'aller se coucher. Petite parenthèse : quel vicieux le papy ! Raconter un tel périple à des gosses avant d'aller faire dodo ce n'est pas très recommandé. Je l'imagine juste à la clôture de sa fable funèbre dire aux enfants un léger sourire aux lèvres avec la luisance provoquée par le feu : « Bon, maintenant tous aux lits ! Bonne nuit les petits... Hé ! Hé ! Hé ! ». Je soupçonne de voir en ce vieil homme l'incarnation de Carpenter, qui s'adresse aux spectateurs illustrés en enfants sans défenses en prononçant : « Welcome to my world ! Enter my children do not be afraid, it will be just terrifying. » Une méthode ingénieuse pour plonger d'emblée de jeu le public dans son conte d'épouvante.



...Dans 5 minutes, nous serons le 21 avril...



S'ensuit un générique d'introduction macabre avec une mise en action du surnaturel qui prend son temps dans son cheminement afin de mettre en condition le spectacle à venir. Une partition musicale sinistre, glaçante et sépulcrale qui provoque instantanément l'effroi auprès du spectateur. Une musique lugubre que l'on doit une fois encore au cinéaste qui décidément est un génie en puissance. Il signe une partition désespérante qui résonne telle une complainte démoniaque. Une calamitée où l'espoir n'a pas de place. Un son déprimant sur une tonalité funéraire qui accompagne formidablement le brouillard. Une mélodie ténébreuse culte, comme le reste des compositions musicales de John Carpenter.


Une histoire de fantôme bien plus intelligente qu'il ne semble. En effet, l'attaque fantomatique envers le petit village de pêcheurs d'Antonio Bay, nous plonge dans une allégorie vengeresse. Un châtiment ectoplasmique appliqué par des esprits qui veulent faire payer aux habitants le massacre et le pillage de leurs richesses en s'attaquant à leurs descendances. Une manière pour Carpenter de critiquer sur le plan politique et social la descendance colonialiste. Elle qui pilla et extermina l'Amérique de ses véritables natifs par des arrivistes qui plus tard oseront s'autoproclamer « "vrai américain" ». Le cinéaste est également séditieux envers l'autorité religieuse par les biais de ses spectres brumeux. Ils s'acharnent particulièrement sur l'église de la ville, et s'attaquent spécialement à ceux s'y cachant dedans. Un procédé bien intuitif ramenant au rôle qu'a joué l'église lors de ses invasions en les justifiants par la gloire de Dieu.



...Les pêcheurs racontent, comme leurs pères et leurs grands-pères...



Une critique savamment portée à l'écran, jusqu'à l'excellent plan final. Alors qu'on pensait les spectres de la mort évaporés, un esprit vengeur revient dans l'église pour tuer le prêtre. Une façon pour le cinéaste de marquer les consciences en montrant que ce sont les soi-disant fantômes du mal les porteurs de la véritable punition divine. Les victimes quant à elles ne sont que la représentation des péchés commis par leurs ancêtres : "les véritables monstres". L'héritage du sang. Une bonne idée narrative qui malheureusement se perd dans le rythme jusqu'à devenir légèrement ennuyeux par endroits. Un manque de rebondissement qui se concrétise par un final qu'on attend fermement au vu de l'arrivée de la brume mais qui finalement passe trop vite. Malgré tout, au vu de la composante finale cela reste du très bon, bien que ça aurait pu être mieux !


La réalisation de Carpenter est comme à son habitude surprenante de beauté glaçante. Il instaure une mise en scène édifiante par le biais d'une fluidité brillante. Une caméra intuitive à l'origine de quelques plans ingénieux appuyés par une superbe photographie de Dean Cundey. Une technicité savamment portée par la réalisation de Carpenter qui rend une ambiance oppressante. Une atmosphère authentique concentrée autour de la brume. Une brume qui inquiète. Une brume qui abrite le mal. Une brume qui semble vivante et dotée d'une volonté propre. La brume se pose comme le personnage central. Une composante importante que l'on doit en partie aux effets spéciaux de Richard Albain, Tommy Lee Wallace et James F. Liles. Bien que cela reste concluant, quelques effets ont pris un coup de vieux autour de la modélisation des esprits. Carpenter va sans cesse plus haut dans l'analogie et la suscitation de sa fable horrifique en prenant en opposition le côté violent et gore en optant davantage pour le côté lancinant d'une atmosphère ténébreuse contemplative. Un brin apathique mais superbement nuancé.



...Que les jours de brouillard à Antonio Bay...



Le casting est surprenant et sacrément symbolique. On retrouve à la distribution Jamie Lee Curtis, la star révélée par John Carpenter dans son précédent film à succès "Halloween : La Nuit des masques". La comédienne retrouve un rôle de choix sous les traits d'Elizabeth Solley. Un brin aguicheuse, elle assume une part féministe très plaisante. Une femme qui en a dans le pantalon si j'ose dire. Vient le personnage Stevie Wayne, interprétée par Adrienne Barbeau, qui n'est autre à ce moment-là que la compagne de Carpenter. Elle incarne une femme forte animatrice de radio qui va se retrouver seule face aux esprits. Elle va prouver son courage face à l'adversité. On retrouvera l'actrice dans d'autre réalisations de son mari, avec "Meurtre au 43ème étage", ou encore "New York 1997".


Tom Atkins est également de la partie ! Grand habitué des films d'horreur avec sa moustache légendaire, qui pour l'occasion ne l'est plus. Il se retrouvera plus d'une fois sous la tutelle de Big Jones comme dans "New York 1997". Atkins incarne Nick Castle, le gars sympathique et bourru à la fois. Un parfait spécimen des années 80. Le comédien forme un bon duo auprès de Jamie Lee Curtis. Janet Leigh est également de la partie. Comédienne symbolique en tant qu'ancienne héroïne de "Psychose", qui a servi de muse à Carpenter pour la création de son personnage de Jamie Lee Curtis. Une participation qui a dû sonner comme un véritable honneur pour John Carpenter, qui s'est servi du film "Psychose" comme d'un support d'interprétation pour bon nombre de ses œuvres, en particulier celui de son plus grand succès.



CONCLUSION :



Fog est un conte d'épouvante qui cache bien son jeu. Une œuvre symbolique pleine de suggestion qui dresse une critique intéressante de ce qui est propre au cinéaste. Bien qu'un trou dans le rythme soit à regretter on passe un très bon moment devant cette pièce funèbre angoissante portée par un casting au top. La mise en scène appuyée par une belle photographie offre une atmosphère oppressante de grande envergure. Carpenter se livre à ce qu'il sait faire de mieux en accompagnant le tout d'une superbe composition musicale lugubre à souhait.


Une histoire de fantôme racontée par un réalisateur inspiré capable de faire de grandes choses avec un petit budget.



...Les hommes du fond de la mer, reviendront.


B_Jérémy
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Classement du meilleur au pire des films d'horreur dont j'ai fait une critique et « Halloween 2022 », des têtes vont tomber "MOUHAHAHA"

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le 10 nov. 2018

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