Parmi tous les films qu’a pu réaliser Robert Zemeckis, Forrest Gump constitue surement son plus gros succès. Qu’il s’agisse de ses résultats au box-office, ou de sa réception par les critiques et les spectateurs, c’est un film qui semblait gagner sur tous les plans : oscar du meilleur réalisateur pour Zemeckis, Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique pour Tom Hanks, Saturn Award du meilleur film fantastique, etc… Les prix que le film a reçus sont trop nombreux pour que je me permette de les lister ici, mais le résultat est là : tout le monde appréciait le film. Et pourtant, Forrest Gump est-il véritablement différent des films dits « à oscars », ces longs-métrages considérés comme oubliables et qui semblent être réalisés pour faire plaisir à un jury de petits vieux ne voulant pas être brusqués ?


Forrest Gump, un homme simple d’esprit, nous raconte les différentes péripéties qui parsèment sa vie à travers une discussion qu’il entretient avec les personnes qui s’asseyent sur son banc. Le spectateur suivra donc l’histoire de cet homme hors du commun, depuis sa naissance en Alabama jusqu’aux évènements qui l’ont conduit à être assis sur ce banc. Le portrait d’un homme se dressera peu à peu, un homme qui s’est laissé porter, durant toute sa vie, par les opportunités que son pays lui proposait ainsi que par les évènements majeurs qui ont traversé l’Histoire de celui-ci, à la manière de cette plume, présente au début et à la fin du récit, voguant au gré du vent, comme libre.


Qu’il s’agisse de la réalisation de Zemeckis, de la partition d’Alan Silvestri ou encore de la prestation de Tom Hanks, tout, dans Forrest Gump, est fait pour nous émouvoir. Zemeckis déploie ici toute l’expérience qu’il a acquis au fil des années en tant que réalisateur, afin de rendre son récit palpitant, voire impressionnant durant certaines séquences (la guerre au Viêt Nam). Le long travelling avant effectué sur Forrest en début de film suffit à résumer la volonté du réalisateur : nous allons nous plonger dans l’histoire d’un homme, d’apparence simple, mais pourtant tellement passionnant. Bien qu’elle ait tout de la bête partition « oscarisable », tout comme la photographie de Don Burgess, la musique parvient à accompagner dignement l’évolution de l’histoire qui nous est racontée, sans être marquante toutefois. Mais la véritable star du long-métrage, c’est évidemment Tom Hanks, indéniablement habité par son personnage, dont l’on retiendra une justesse de ton perpétuelle et une certaine capacité à faire pleurer dans les chaumières.


Car le personnage de Forrest Gump, c’est une forme de liberté incarnée, une liberté à laquelle aspire de nombreux américains. Bien qu’il fût considéré comme différent dès sa naissance, Gump ne s’en est jamais formalisé et a continué à croire en une certaine vision du monde, une vision selon laquelle tout lui est accessible. Son côté simplet, une sorte de Goku à l’américaine, l’empêche de trop réfléchir sur ce qu’il peut faire ou non : il se contente d’agir comme cela lui vient. Cet aspect est, d’ailleurs, parfaitement illustré en fin de film, durant la scène de course, alors que tout le monde lui demande pourquoi il s’est mis à traverser le pays en courant. Chacun cherchera à donner un sens à sa course, projetant leurs propres envies, leurs propres rêves sur cet homme qui ne lâche rien. Forrest, quant à lui, avait juste envie de courir.


Au fil du récit, il va également assister, voire participer, à certains évènements majeurs de l’Histoire américaine, l’occasion, pour le film, de jouer sur un humour assez efficace. Les scènes d’incrustation, plaçant Forrest face à des personnalités telles que JFK ou le président Johnson, fonctionnent à merveille, et la réinterprétation que le film fait du scandale du Watergate vaut le détour. Forrest voit son pays changer peu à peu, mais cela ne le touche pas, ou peu ; ce qui lui importe, c’est la manière dont évolue Jenny Curran, interprétée par Robin Wright, son amour d’enfance qu’il a toujours gardé en tête. Les deux êtres ne cesseront de se croiser au fil du film, comme attirés par des aimants, mais toujours repoussés par les aléas de la vie. Quant au spectateur, face à tous ces évènements, historiques comme fictionnels, il se laisse porter avec enivrement par le récit que nous conte Forrest. Et cette simplicité avec laquelle cette histoire nous est racontée, c'est également ce qui fait la force du film.


Pourtant, j'ai tout de même l'impression que Forrest Gump m’insupporte autant qu’il me touche. La niaiserie qui émane du long-métrage de Zemeckis n’a d’égale que la lourdeur avec laquelle ses effets sont surlignés : le sentiment que l’on nous indique à quel moment le spectateur doit rire, pleurer ou s’émerveiller domine. Le film est simple, à l’image de son personnage principal certes, mais néanmoins peu intéressant d’un point de vue cinématographique. L’intrigue, comme le propos du film, peut être résumer en quelques phrases, et la paresse avec laquelle certains mouvements sont représentés (je pense notamment aux Black Panthers, représentés comme de véritables demeurés jouant à faire la guerre) est assez inconfortable. Comme je le disais précédemment, Forrest Gump entre plus ou moins dans la catégorie des films à oscars : à la manière d’un Green Book (2019) ou d’un Collision (2004), ce sont ces films au propos pauvre et à l’aspect politiquement correct simpliste, qui ont tendance à brosser le spectateur dans le sens du poil afin d’en attiser les faveurs. En somme, ce sont généralement des films qui ne marqueront personne.


Mais force est de constater que ce n’est pas totalement le cas de Forrest Gump : malgré son apparence de film oscarisable bien sous tous rapports, il émane de ce long-métrage une simplicité, une efficacité qui a été capable de résonner en chacun. Son statut d’œuvre culte est indéniable ; son intérêt cinématographique l’est davantage. Et bien que je n’ai pas été conquis par le film, il provoque tout de même en moi une réaction assez contradictoire : je n’apprécie pas ce qu’il représente, mais je dois bien avouer avoir passé un bon moment en le regardant. A croire que, même lorsqu’il réalise un projet qui ne me parle pas, Zemeckis parvient tout de même à me toucher.

SwannDemerville
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le 21 janv. 2021

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Swann

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