Si ce n'est toi, c'est donc ton frère
Un film glaçant, mais superbement réalisé et interprété.
Ce film est tiré d'une histoire vraie, celle de deux frères, deux lutteurs américains, qui dans les années 80 ont remporté plusieurs titres mondiaux et olympiques. Je n'avais jamais entendu parler de cette histoire avant, mon intérêt pour la lutte étant proche du néant, à plus forte raison dans des contrées aussi éloignées que les USA.
On comprend assez vite que des deux frangins, le cadet, Mark, interprété par Channing Tatum vit dans l'ombre de son grand frère David, interprété par Mark Ruffalo à qui tout semble sourire : famille épanouie quand son frère vit seul, réussite sportive et professionnelle quand son frère semble en plein doute...
C'est à ce moment qu'intervient un troisième protagoniste : John Du Pont, riche industriel passionné de lutte qui va offrir un pont d'or à Mark pour qu'il intègre son centre d'entraînement dont il veut faire une référence à l'échelon national.
À partir de là, le film va se focaliser sur le jeu de relations existant entre les deux frères, puis entre eux et John Du Pont, l'intrigue reposant avant tout sur les ressorts psychologiques des personnages. John Du Pont est au centre de cette histoire, malsain, obsédé par ses rêves de gloire et son désir de reconnaissance de la part de sa mère (qui trouve la lutte vulgaire et ne jure que par ses chevaux), ses complexes et failles psychologiques le rendent vraiment inquiétant.
Le jeu des trois acteurs principaux est vraiment au top, chacun dans leur registre, et fait de ce film une réussite.
Channing Tatum est très convainquant en jeune frère frustré par la réussite de son frère, renfermé sur lui-même et complètement sous la coupe de John du Pont avant de finalement s'éloigner de lui.
Steve Carell (quasi méconnaissable grâce au maquillage) en John Du Pont est superbement inquiétant et sue littéralement le malaise. Son personnage est très ambigu, soufflant le chaud et le froid à un Mark Schultz déboussolé, jaloux du lien fraternel entre Mark et David et totalement prisonnier de l'image qu'il voudrait renvoyer au monde et (surtout) à sa mère.
Enfin Mark Ruffalo, dans le rôle de David Schultz. De mon point de vue, c'est le plus impressionnant des trois acteurs principaux. Il est toujours juste, criant de vérité, et on sent (que dis-je, on voit !) qu'il a beaucoup bossé l'aspect physique et sportif de son personnage. Ça confirme tout le bien que je pensais déjà de cet acteur, mais il m'a clairement impressionné dans ce film.
Du coté de la réalisation, c'est très froid, clinique, jusque dans les choix de lumières aseptisées et de couleurs très neutres. Le film tire, volontairement, vers le gris. On est à la limite du documentaire parfois tant les prises de vue sont (je pense là encore à dessein) sans passion. À ce titre, la bande-son colle parfaitement, évitant elle aussi toute envolée lyrique qui viendrait surligner les scènes de manière trop intempestives.
Ce point fort du film est aussi, paradoxalement, sa faiblesse puisque le film comporte également quelques longueurs que ce choix de réalisation rend d'autant plus dures à digérer.
Ce bémol mis à part, le film vaut vraiment le coup d'œil, pour son choix esthétique et narratif, mais surtout pour sa triplette d'acteurs inspirés.