Glisser de la célébrité la plus étincelante au désespoir le plus morne, à moins que...

France est le portrait professionnel et privé d'une journaliste d'actualités parvenue au statut d'icône absolue du journal télé. Une icône, point de mire de tous, superbement incarnée par une Léa Seydoux au summum de sa beauté et de son charme. Tantôt maquillée et sublimement habillée (personnellement, je l'ai préférée dans un long fourreau blanc et argent, avec une petite cape d'hermine sur les épaules), tantôt en tenue de baroudeur lorsqu'elle est en reportage au bout du monde (au sud du Sahara ou dans on ne sait quel pays musulman en état de guerre) et tantôt en tenue de ville très simple, sans maquillage, quand elle participe à la distribution de repas gratuits à des personnes déshéritées, mais quoi qu'il en soit, toujours merveilleusement filmée par une caméra amoureuse de ses traits et de sa silhouette au point de ne plus se détacher de son visage, de son corps, de sa démarche, de son regard, de son sourire. C'est tellement flagrant que ça en devient insolite, presque gênant, que ça en deviendrait ennuyeux tant le plan dure, n'était la désarmante beauté de l'actrice qui personnifie France. J'ai toujours été sensible au charme de Léa Seydoux, mais filmée par Dumont, elle est plus belle que jamais. Je crois bien qu'elle éclipse toute autre actrice française, aujourd'hui. Le film lui rend un hommage appuyé.
Néanmoins, les mérites de celui-ci ne reposent pas que sur elle. La photographie, le montage, la bande son (de Christophe, comme pour Jeanne) sont vraiment superbes ; les décors (intérieurs et extérieurs) presque toujours à couper le souffle, notamment celui de cette route de montagne (les Dolomites ?) où survient ce qui est sans doute le plus bel accident de voiture jamais filmé depuis l'invention du 7ème art.
Bruno Dumont, comme habituellement, signe le scénario, les dialogues et la réalisation. Le scénario a du contenu, de la profondeur et je l'ai trouvé constamment intéressant, bien construit, malgré quelques rares facilités d'écriture (par ex. l'oubli par Charles Castro de son smartphone ouvert sur la table du café) ou invraisemblances psychologiques : comment atteindre un poste aussi en vue, une position aussi exposée dans le monde des médias, en ayant un esprit aussi peu blindé, un coeur aussi vulnérable que ceux de France de Meurs ? N'empêche ! La description du milieu de la télévision, des médias et du monde autour duquel ils gravitent m'a semblé quand même assez bien croquée. Lou / Blanche Gardin, l'attachée de communication de France, n'a, contrairement à ce qu'on pourrait croire, rien d'excessif. On peut tout à fait rencontrer ce genre de personne dans le milieu journalisme-télé-ciné-pub.
Depuis Flandres, France est le film de Dumont que j'ai le plus apprécié, même si ma critique ne trouve pas forcément les mots pour le dire.
Je me suis, à mon modeste niveau, senti de connivence avec sa façon de voir le monde, avec ses dénonciations, ses ressentis, ses colères, sa tristesse. Comme Mme Bovary pour Flaubert, France de Meurs, au fond, c'est un peu lui. Ce désillusionnement, cette insatisfaction, ce perfectionnisme, cette stupeur devant les autres sont un peu les siens.
D'accord, l'incroyable beauté du monde parfois... mais aussi tout le reste : les faux-semblants, les dangers, le mal, l'avidité, la pauvreté. Les paroles blessantes, les tromperies. Le miroir-aux-alouettes. Les erreurs, les chutes (d'audience), l'amertume, le deuil, l'horreur.
Comment ne pas glisser alors de la célébrité la plus étincelante au désespoir le plus morne ? À moins qu'un amour miraculeux (la douceur d'une épaule amie) ne vous sauve in extrémis.

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le 26 août 2021

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Fleming

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