La France qui gagne (donc pas celle du rugby).

Si j’avais vu ce film sans rien en attendre, il aurait sûrement gagné un point.
Il est malheureusement victime d’un bouche à oreille un peu trop favorable.


Pourtant il ne manque pas de qualités:
Un noir et blanc délicieux, qui vient donner un air désuet à une fable très moderne, qui permet d’éviter les fautes d’accord (et vu les styles vestimentaires déployés, on imagine très bien des couleurs assorties avec des goûts discutables à l’anglo saxones), une bande son choisie avec soin, qui vient renforcer le dynamisme et le style un peu old school du reste.


Et au milieu de cet emballage soigné, Frances: une héroïne pleine de naturel, coiffée comme une “vraie fille” qu’on rencontre dans la rue, perdue comme n’importe quel jeune qui arrive à un âge où il faut se déterminer et où on aimerait bien ne pas grandir..
Frances avance vers ses 30 ans mais elle vit encore comme une ado avec sa colocataire, à rire devant des films, s’éclater gentiment pour mille et une raisons qui rendent leur vie commune tellement pétillante, comme une colonie de vacances qui n’aurait jamais vraiment cessé.


Frances aime cette douce folie dans laquelle elle n’a pas de mal à se laisser bercer.
Au point qu’elle refuse tout ce qui pourrait l’en sortir.


Forcément quand elle découvre que sa colocataire envisage de passer à autre chose, de grandir “sans elle”, Frances se retrouve à courir un peu dans le vide, comme une poule à qui on vient de couper la tête.
Et c’est dans cette faiblesse, dans cette blessure et dans la nécessité d’avancer, de se pousser pour grandir que Frances nous touche.


De grande rêveuse toujours hors des clous, Frances va devoir non pas entrer dans la norme, mais s’adapter: passer au dessus de la frustration de perdre son amitié fusionnelle, arrêter d’attendre qu’on lui propose un job qui ne viendra pas, penser à vivre autrement, et à se construire seule. Un bien beau programme qui réveille notre côté éternellement adolescent.


Sûr que ce film parlera davantage aux gens qui ont vécu et senti ce tournant dans leur vie, ces milliers de moments où on se rend compte qu’il faut redessiner sans cesse les contours de nos amitiés, parce que c’est ça les relations sociales: se rendre compte tout le temps qu’on n’est pas (ou plus) exactement sur la même longueur d’ondes, et essayer de limiter l’écart ou au contraire laisser tomber.
Ces moments où il faut apprendre à vivre autrement, et ce moment où on se dit qu’on n’est plus assez jeune et insouciant pour continuer à errer. Certains restent toute leur vie de grands rêveurs, mais la plupart d’entre nous finissent par se poser, et Frances ressemble à ceux là.
Des choix ordinaires, mais qui nous façonnent, et on aime voir cette fille tout à fait banale souffrir gentiment pour s’ouvrir de nouveaux horizons. Elle se construit en un peu plus d’une heure, et cette façon de grandir est tellement bien esquissée qu’on ne peut qu’avoir de l’affection pour ce miroir de notre propre évolution.


Alors bien sûr le film déçoit parce que sur le coup on est moins embarqué qu’on l’aurait voulu, parce qu’il n’est pas exempt de longueurs et d’un peu trop d’envie de bien faire qui ternit le côté naturel, oui on a l’impression parfois que le trait est forcé, qu’on n’arrive pas à se laisser totalement séduire.
Il n’empêche qu’on se retrouve en Frances, et que ça fait du bien de sentir qu’on a tous les mêmes soucis.

iori
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le 3 nov. 2015

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