On avait laissé Ben Wheatley avec le calamiteux High Rise, brouillon filmique beaucoup trop ambitieux pour le réalisateur britannique qui finissait par se perdre dans la multitude de thèmes et d’intrigues que son film brassait. On pourrait arguer au bordel volontaire, censé immerger le spectateur dans, mais qu'importe, cela n'excusera pas les multiples trous scénaristiques et autres problèmes de mise en scène/montage qui venaient parasiter le film. C'est pourquoi ce nouveau projet de Ben Wheatley n'était pas placé sous les meilleures auspices, malgré l'apparente simplicité de son pitch (une fusillade quasiment ininterrompue de plus d'une heure entre plusieurs personnages) et son casting cinq étoiles, il pouvait faire craindre le pire.


Et Free Fire, s'il n'atteint pas le niveau des deux premiers long-métrages de son réalisateur, parvient à corriger certains défauts d'High Rise pour offrir un résultat jouissif à regarder mais malheureusement assez vain (le film peine à dépasser le simple exercice de style) et défectueux.


La postulat de base de Free Fire est, comme dit plus haut, très simple. Lors d'une rencontre entre des membres de l'IRA et des trafiquants d'armes, un conflit entre deux personnages va transformer cette transaction, déjà tendue, en une fusillade continue qui durera tout le film. Passé cette mise en place (et l'élément déclencheur du gunfight un peu forcé) le film finit par suivre un schéma un peu trop répétitif, à savoir : salve de feu, pause et discussions des protagonistes, événement impromptu venant relancer de manière plus ou moins probable la machine, et ce jusqu'à la fin du film, par ailleurs beaucoup trop facile et attendue.


L’autre problème, c’est que le formalisme de Ben Wheatley, plutôt efficace dans ses premiers long-métrages - on se souviendra des très réussis jeux sur les ellipses de Down Terrace et Kill List - mais déjà perfectible dans High Rise, se révèle brouillon quand il s’agit de filmer des gunfights. Sous son montage nerveux et sa caméra, bien trop mobile, les fusillades deviennent rapidement illisibles et toute tentative de spatialisation des protagonistes finit par en pâtir, chose des plus problématiques dans un film pareil.


Finalement, ce qui sauve le film du naufrage, c'est son caractère jouissif. Il y a en effet quelque-chose de très fun à regarder ces personnages tous plus décalés les uns que les autres s'en prendre plein la figure, et ce de manière très éloignée de la "flamboyance" de la plupart des films d'actions actuels. Au fur et à mesure de la dégradation de ses personnages, contrait de ramper à même le sol à cause de leurs multiples blessures, le film finit par gagner un humour noir délectable, renforcé par des situations burlesques plutôt bien vues.


Ces personnages, parlons-en. S'ils sont tous suffisamment caractérisés pour qu'on puisse les différencier, il est regrettable que l'on ne finisse par n'en retenir que la moitié. Ce n'est pas vraiment l'interprétation, très honorable, qui est à remettre en cause (bien que l'on devra composer avec un Sharlto Copley qui semble avoir fait du surjeu sa marque de fabrique) mais plus l'écriture, puisque certains personnages comme ceux de Brie Larson ou Cillian Murphy finissent par s'effacer au profit d'autres dotés de beaucoup plus de présence (mention spéciale à Armie Hammer, très charismatique, et au survolté Sam Riley). Signalons au passage que le film n'est pas vraiment surprenant quant au destin de ses personnages, nous vous attendez donc à rien de ce côte-là.


En clair, Free Fire, s'il remonte sans problème le niveau d'High-Rise, ne restera malheureusement qu'un film mineur dans la carrière de son réalisateur, peinant à être plus qu'un simple film "fun" parasité par de nombreux défauts. Dommage car avec un postulat de base pareil il pouvait y avoir bien mieux à faire.

fruitdumepris
5
Écrit par

Créée

le 15 juin 2017

Critique lue 408 fois

4 j'aime

4 commentaires

فؤاد

Écrit par

Critique lue 408 fois

4
4

D'autres avis sur Free Fire

Free Fire
Behind_the_Mask
6

♪ Non je ne me souviens plus du nom des balles perdues ♫

Un huis-clos dans une usine désaffectée et une vente d'armes qui tourne mal font penser que Ben Wheatley, en tournant Free Fire, est allé voir du côté de Quentin Tarantino et de son Reservoir Dogs,...

le 7 juil. 2017

24 j'aime

7

Free Fire
jérômej_
3

Dommage, l'affiche avait de la gueule !

Un film dont je n'attendais pas grand chose, au mieux une belle petite surprise. Mais non, rien de cela, juste de l'ennui et l'envie que ça se termine vite. Ce film est d'un vide abyssale, pas de...

le 22 juil. 2017

22 j'aime

13

Free Fire
Fritz_the_Cat
4

Beaucoup de bruit pour rien

[L'article sur le blog] Paradoxe : plus le réalisateur Ben Wheatley s'attaque à un sujet simple, plus il montre ses limites. Je l'ai attendu ce film, rien que l'affiche promettait du bon, j'en avais...

le 14 juin 2017

17 j'aime

8

Du même critique

Devilman Crybaby
fruitdumepris
7

Devil May Cry

Devilman Crybaby est un projet attrayant. Attrayant du fait de son créateur, Masaaki Yuasa, virtuose de l'animation qui en plus d'avoir livré l'un des meilleurs films d'animation de l'année passée...

le 8 janv. 2018

39 j'aime

10

CHROMA
fruitdumepris
3

Crossed 0.5

Qu'est-ce qu'elle était attendue la nouvelle émission de Karim Debbache... Faut dire que depuis l'arrêt de Crossed (émission diffusée sur jvc dont le but était de parler de films ayant un rapport...

le 2 oct. 2016

33 j'aime

27

Colossal
fruitdumepris
5

Pacific trime

Question du jour : dans quelles circonstances un film parti pour être excellent peut-il se casser la gueule lors de la dernière ligne droite ? A cette interrogation épineuse, le film de Nacho...

le 20 juin 2017

25 j'aime

4