Une éternité depuis la dernière revoyure. Ce fut un des ces plaisirs qui vous câlinent dans le noir, malgré la qualité approximative du DVD. L'image granuleuse et un son à la netteté aléatoire (du moins pour les passages en français, d'autant plus que Fernando Rey a un accent à couper au couteau!) sont une redoutable incitation à faire l'acquisition d'un blu-ray au plus tôt.

De plus, on devine sans peine que ce film sombre et suintant doit avoir une bien belle gueule. Le travail de Owen Roizman sur la photo a l'air bien étudié pour montrer le côté bourbeux du sale boulot de flic : le froid, la pisse, le sang, la crasse. Le film sent la sueur et écrase une merde sur le trottoir de New-York, du pied gauche, avec bonheur.

C'est le miracle du cinéma hollywoodien et de son évolution dans les années 70. Scorsese et consorts sont passés par là. Le polar met aussi les mains dans le cambouis. William Friedkin était fait pour ce cinéma là, cette rencontre entre l'ultra-réalisme, la violence, un certain naturalisme et le cinéma. Quand le cinéma fiction imite le cinéma documentaire.

Le traitement de l'histoire, c'est une chose, mais ce qu'elle raconte aussi. Elle parle des hommes qui se perdent, que ce soit le policier obsédé par son métier, qui s'amuse après le boulot à prendre en filature un type qu'il sent pas, ou bien que ce soit le trafiquant de drogue trop sûr de lui qui sous-estime son adversaire.

Aussi les comédiens sont-ils fondamentaux pour que la mayonnaise prenne. Et celui qui semble le mieux incarner cet investissement supérieur est bel et bien Gene Hackman. Il trouve là le rôle qui change sa vie. Popeye Doyle est à l'image de tout le film, il révolutionne le personnage de flic. Il est sale, a l'air dilettante, obnubilé par son taf, il est seul. Gene Hackman fait de Doyle un flic borderline, pas loin de la folie. Inquiétant même. Son regard halluciné à la fin fait peur.

Même son collègue et sans doute ami, joué par un Roy Scheider très sobre, serein, comme un miroir de Doyle mais avec la tête sur les épaules, même ce collègue reste fidèle jusqu'au bout à l'idée de réussir et finir l'enquête. Coûte que coûte.

Seulement il aurait fallu ne pas compter sur l'opiniâtreté machiavélique et un tantinet chounarde d'un Fernando Rey très sage dans un rôle de dealer élégant et roublard.

Ces trois comédiens assurent le spectacle. Mais Friedkin ne s'en contente pas. Sa mise en scène musclée est violemment jouissive. De multiples filatures et poursuites à pied, en métro ou en voiture tiennent le spectateur en haleine. La plus célèbre séquence du film reste cette poursuite d'un métro en voiture. Techniquement très bien faite, elle est sur-vitaminée par un intelligent montage.

Après avoir vu ce film, le sentiment qui prédomine est la satisfaction d'avoir vu un très bon film, bien foutu, très efficace et innovateur. Bref, gros plaisir, grand cinéma, belle qualité.
Alligator
8
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le 13 nov. 2012

Modifiée

le 28 juil. 2014

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Alligator

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