Dans la continuité de ses courts, Sylvain Labrosse passe au long-métrage afin d’affiner un peu plus le portrait d’enfants sous l’emprise familiale, au détour d’une immigration en zone portuaire. Il nous emmène à Brest, où l’on y trouve le symbole du salut et peut-être du renouveau, si seulement on finissait par accepter d’aller de l’avant. Cependant, son initiative place ses protagonistes comme dans une sorte d’Hamlet des temps modernes. Leur prédestination familiale balise ainsi tout ce regard conflictuel, notamment entre deux frères, qui se partagent un lourd secret, en plus du même sang qui les lie dans le fantasme de l’impunité.


Cette étude de personnages renvoie ces derniers dans une jeunesse, pleine de mélancolies, mais également de violences. En exil dans ce point de passage, entre les docks et la sérénité de Brest, le réalisateur questionne ainsi ses valeurs, afin de déterminer s’il correspond bien au refuge attendu par la famille Matesic. L’idée est présente, mais il n’offre pas assez de matière pour donner vie à cette cité, trop silencieuse et rattraper par le son des vagues sur la côte. Il n’y montre pas la vie idéale qui justifierait les ambitions d’Emilijan (Vincent Rottiers), l’aîné. Lui qui cultive la sagesse, partagée avec le recul de sa fiancée Gabrielle (Pauline Parigot), redoute toutefois ce fameux pas en arrière qui l’amputerait de cette liberté, de cette brise matinale qui l’envoûte et qui offre la rédemption espérée.


C’est là qu’intervient Stanko (Kévin Azaïs), le cadet, dont l’amour pour son frère se situe entre la destruction et la possession. Son potentiel ravageur lui confère cette spontanéité, qu’il n’arrive pas à dompter, ni à son domicile, ni auprès de sa volaille de compétition. Il entretient ainsi une tension fratricide, qu’il confond avec le besoin de protéger le seul être qui l’aura couvé et élevé. Cette haine est aveugle et parsème de l’incompréhension au cœur même d’une terre d’accueil, qui semble repousser toute la famille vers leurs Balkans natals. Une sorte de gage héréditaire fait l’objet d’une transmission suspecte, où les souvenirs sont synonymes de traumatisme. Emilijan ère entre deux mondes, deux langages et deux cultures qui ne semblent jamais vouloir se mélanger ou communiquer. Il s’agit d’une réalité qui freine les espoirs des frères, condamnés à transpirer sur le quai, éternelle passerelle des immigrés.


La lutte qu’expose « Frères d’Arme » est d’une humanité incarnée, notamment grâce à ses comédiens, les demi-frères en tête, convaincants et précieux dans cette démarche de voguer entre deux eaux. Malheureusement, l’arche de la famille Matesic, qui s’inspire d’une histoire vraie, bascule dans une pauvre mise en scène, soulignant une difficulté à redorer des enjeux qui ont maintes fois été portés à l’écran. La charge mafieuse, commandée par l’oncle n’y change rien, mais soutient cette observation. L’audace ne paie pas toujours dans la fraternité toxique et dans ce cycle de vengeance, qui passe davantage son temps à supposer au lieu d’isoler la peine et l’immaturité de ses sujets.

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le 27 juil. 2021

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