Après L’affaire SK1 pour lequel il était scénariste, David Oelhoffen renoue avec le thriller et c’est encore une belle réussite formelle. On se demande même au début si on tient pas là LA pépite du polar français qui fera date. Le casting est au top (Fianso se révèle être un acteur prometteur), la caméra est toujours à la bonne place, c’est plutôt bien ficelé.. et pourtant, une fois sorti de la salle, il n’en reste pas grand chose.
Je pense que le réalisme extrême que cherche le réal est ce qui constitue le défaut majeur du film. Alors oui, cet aspect documentaire, terre-à-terre, filmé à l’épaule permet une immersion totale dans les quartiers sensibles de Romainville. D’ailleurs, s’il n’y a visiblement jamais de ciel bleu là bas et malgré le sujet, on nous dispense d’une vision trop pessimiste des cités de banlieue. Le rapport entre les flics banlieusards et leur quartier est un sujet bien traité et pertinent. Dans ce microcosme, les gangsters sont admirés et les poulets, méprisés. Les interactions entre Reda Kateb et son environnement sont d’une violence inouïe et nous mettent rapidement en empathie avec lui.
En revanche, la relation ambivalente entre les deux protagonistes peine à nous embarquer. La proximité ne revient jamais vraiment entre eux et ils s’utilisent simplement pour parvenir à leurs fins. Quand au générique, des photos de leur jeunesse défilent pour rappeler qu’ils ont été un jour innocents et BFF, l’émotion n’est donc pas au rendez-vous. Ce procédé complètement documentaire une fois encore n’est pas très judicieux ici.
Embaucher Superpoze pour la BO était une excellente idée mais on dirait que pour ne pas perturber le réalisme du film, il en est réduit à caler quelques drones ici et là. Rien de très mélodieux.
Et là où pour L’affaire SK1 on acceptait volontiers cet ancrage dans le réel car il s’agissait d’une histoire vraie et que l'enquête complexe était déroulée avec pédagogie, ici, on en apprend pas des masses sur le fonctionnement des trafics de stup, des indics etc. Pourquoi ça ? Parce qu’on a déjà vu ça 1000 fois au ciné auparavant. Le film aurait gagné à trouver un parti pris plus couillu, ou une certaine forme de lyrisme. Après tout, Un Prophète est déjà passé par là et mêlait habilement séquences oniriques et hyper réalisme. L’inéluctabilité tragique des Liens du Sang avait aussi fait ses preuves. Heat (tant qu’on y est) montrait une ville écrasante et protagonistes magnétiques. Il manque ça ici : des moments d’ampleur, des moments de cinéma qui n’auraient en aucun cas nuit au sous-texte social du film.
Reste un sage et bon petit film de gangster.