Londres d'opérette

J'avais visionné ce film il y une dizaine d'années et n'en n'avais gardé qu'un vague souvenir. Ayant adoré le roman graphique dont le scénario est tiré, je me suis dit qu'il était peut-être temps de lui laisser une seconde chance. Ouais, boff !!! Ca ne me laissera pas un souvenir impérissable mais je profite de cette critique pour pouvoir me rappeler qu'il ne faut plus que je le regarde dans 10 ans. Le scénario de la bande dessinée d'origine est du grand Alan Moore, il y avait élaboré une piste paranoïaque et complotiste concernant l'origine des meurtres du plus célèbre des serial-killer. Sans être le moins du monde convaincu quant à cette piste, la noirceur du trait du dessinateur m'avait plongé dans un Londres victorien hostile, crasseux et puant, univers qui m'a toujours profondément attiré en littérature comme au cinéma. Le scénario du film a gardé la thèse complotiste de haut niveau, la dérive psychiatrique et le centrage de l'intrigue sur l'inspecteur Abberline, mais a commis l'erreur d'y associer une magnifique photographie qui fait ressembler ce Londres à un décor d'opérette et qui enlève donc l'aspect crasseux et dérangeant de l'œuvre de base. Le choix de Johnny Depp est innaproprié et va dans un même sens esthétique et commercial qui se retournent contre le film. Réussir un film sur Jack L'éventreur, c'est prendre le pari de nous montrer un Londres dégueulasse, insalubre et hostile. C'est également réussir un casting de "gueules de l'emploi" pour nous faire croire à des personnages d'époque. Un peu comme David Lynch dans son chef d'œuvre Elephant Man. Confier un film sur Jack L'éventreur à un américain, c'est comme demander à un réalisateur du Liechtenstein de nous faire un western ou un road-movie. Il risque d'accoucher d'un truc à contre-emploi, ce qui est le cas ici. Je retiens néanmoins l'interprétation de Ian Holms qui réussit à nous faire croire à son personnage.