"Fucking Amal" est un pied de nez parfait à l’homophobie et Lukas Moodysson livre un regard parfois gênant mais plutôt juste sur l’adolescence. Tourné en 1998, le film est dans son temps, il a un peu vieilli mais le film touche à strictement tout ce qui concerne l’adolescence.
J’ignore comment Lukas Moodysson (qui à aussi écrit le scenario) à fait pour montrer avec autant de justesse l’adolescence. Lui à décidé de prendre la ville (la ville d’Amal en Suède), d’y poser une intrigue et de se demander qu’est ce qui se passerait ? Et il en fait un film d’une heure et demie, une histoire extraordinairement simple là ou des tonnes de films cherchent a créer des histoires compliquées. Il ne pose pas de jugement particulier sur l’homosexualité, il montre avec une certaine justesse ce que les adolescents pensent de l’homosexualité et aussi ce qu’est être "bizarre", ce mot "bizarre" revient à maintes reprises dans le film. Ne pas être dans la norme et il fait du progressif, il balance tout ces rebondissements à coups de BO pop-rock efficaces dignes d’un bon teen-movie. Et "Fucking Amal" respecte toutes les règles du teen-movie mais Moodysson y laisse sa patte tout en donnant un regard détaché. Il y montre le mal-être adolescent (les humeurs changeantes des protagonistes ; être fasciné par la mort ; écrire un journal intime ; aller et faire des fêtes ; traîner), on pense parfois à Larry Clark car il est parfois très cru et volontairement frontal. Ainsi qu'à Catherine Hardwicke (pour "thirteen") avec sa mise en scène qui colle aux personnages pour mieux les saisir et pour que nous puissions les cerner.
Les jeunes interprètes (qui avaient plus ou moins tous l'âge de leurs personnages lors du tournage) sont plutôt naturels, j'aurais aimé plus de profondeur, plus d’hystérie mais Moodysson saisie la jeunesse à leur niveau : du point de vue exclusif de l’adolescence.
Les rapports avec les parents ne sont pas forcement mauvais (le père d’Agnès la rassure dès qu’il le peut) et pas bons non plus (la mère d’Agnès est plutôt conservatrice, la mère d'Elin est plutôt absente (du fait qu’elle bosse la nuit et on ignore où est le père d'Elin car aucun moment il n’est fait mention de lui)). "Fucking Amal" montre ce que c’est que d’habité dans une petite ville où tout se sait très vite : vous dites quelque chose à quelqu’un et à la fin de la journée toute la ville le sait. Connaissant cela, j’ai été plutôt concerné. Après tout le titre du film fait référence au parler des personnages : Agnès et Elin voudraient quitter cette "putain" (fucking) d’Amal et pensent même aller vivre à Stockholm une nuit très tard.
En visant aussi juste près des personnages, Moodysson nous montre évidemment quelques moments gênants : des réactions, des faits, des regards… mais c’est réaliste. Et le film a certes vingt-trois ans mais il est toujours aussi vrai : il à peut-être vieilli au niveau de la culture mais pas dans les personnages : on jure autant qu'en 1998. Les personnages jurent quasiment à toutes leurs répliques. Le film montre l’envie de personnages qui ont envie de se tirer de ce "trou perdu", que leur ville est "à part" et que tout le monde semble être dans sa petite vie tranquille dérangée par les ragots de ses voisins ou amis. On ne sait pas grand chose des personnages adultes. Moodysson à réduit le casting à son maximum tout en laissant de la marge à d’autres protagonistes : la sœur aînée d’Elin avec qui elle entretient une relation sado-maso (au sens psychologique), elles traînent tout le temps ensemble au bahut mais aussi à la maison ; Johan, un garçon qui s’éprend lui aussi d’Elin mais Moodysson ne montre aucun affrontement entre Agnès et lui, il n’y aucune compétition, il laisse les personnages frustrés dans leurs sentiments chacun de leur coté (ce qui est très intelligent) ; Markus, le petite ami de la sœur d’Elin et meilleur ami de Johan qui est un type bête comme ses pieds mais en même temps qui les à sur terre ; Viktoria, la meilleure amie d’Agnès dont elle se débarrasse lors de la fête de son anniversaire raté, une fille handicapée moteur et un peu mentalement qui


dira à tout le monde qu’Agnès est lesbienne et qu’elle est amoureuse d’Elin, si bien qu’Elin le sera.


Le film lorgne du cote de Sofia Coppola et de son "Virgin Suicides" tourné la même année : même détachement, mêmes rêveries, mêmes fantasmes, car l’adolescence est aussi ça : être dans une bulle, détachée, rêver et fantasmer.


Mais pas de dramatisme brut comme dans "Virgin Suicides", Moodysson transforme le temps d’une scène son teen-movie en tragédie : il mets une musique triste, obscurcit la pièce (la chambre d’Agnès) où la scène se déroule et cadre autour du père d’Agnès qui vient réconforter sa fille alors qu’elle fait semblant de lire, il balance une citation littéraire, Moodysson se contente de raconter juste une histoire : il y à un début et une fin qui sont bien établies avec des rebondissements entre deux. Ce que deviennent les héroïnes


(elles finissent clairement ensemble)


on s’en fiche un peu parce que le principal c’est qu’elle soient ensembles, la célèbre scène où


elles quittent ensemble les chiottes devant tout le monde sur fond d’un morceau de pop-rock et une réplique d’Elin : "Je vous présente ma nouvelle copine." et rajoute en passant man dans la main avec Agnès : "On va aller baiser.",


Moodysson sait ce qu’il fait. En tant que garçon, il a essayé au maximum de saisir l’adolescence, il a du se documenter, observer ou même crécher à Amal pour viser aussi juste.


Derrière son film, on ne ressent aucune ambition, si ce n'est un message de tolérance (dans une scène où le petit frère d’Agnès demande à sa mère, ce qu’est une lesbienne, elle lui explique d’une façon extraordinairement simple et il demande si c’est une maladie et elle lui réponds : "Mais non, non, c’est pas une maladie, pas du tout"), ce que Moodysson montre formidablement bien : c’est être amoureux quand on est ados : tout ces sentiments que l’on éprouve quand on est amoureux : les relations avec autrui qui se détériorent ; les rêves ; les fantasmes : une obsession quasiment. Des le début, on voit qu’Agnès semble fascinée par la mort et elle dit dès sa première réplique (après la scène d’ouverture qui la montre écrivant son journal intime sur son ordinateur) qu’elle voudrait mourir, elle dit ça sérieusement, Il montre aussi le goût des adolescents pour ne pas avoir de limites : boire jusqu’à en vomir ; s’ouvrir les veines ; saisir le moment présent pour faire un truc dingue (arrêter une voiture en pleine nuit sur l’autoroute et une fois grimper, s’embrasser fougueusement) et c’est d’ailleurs dit : les personnages se voient un avenir mais préfèrent leurs vies quand ils voient la vie à priori ennuyeuse de leurs parents (même si le père d’Agnès lui dit que sa vie n’est pas si mal maintenant montrant aussi que Moodysson laisse parfois la parole aux adultes), en fait ils voudraient continuer à vivre comme ils le font mais refusent la vie de leurs parents.


Ce qui est génial avec Moodysson par ailleurs, c’est qu’il prends le point de vue des deux filles, il montre en alternance les vies parallèles de ces deux jeunes filles, radicalement opposées, "Fucking Amal" lui parle beaucoup d’amour et porte un regard d’adolescents là dessus : qu’est ce que c’est être amoureux adolescent ? Moodysson semble s’en souvenir (il avait 29 ans lors du tournage). A l’instar de Sofia Coppola, il montre l’amour comme un rêve, comme une frustration, comme un fantasme. Ses personnages sont simples mais ils les aiment, ils les saisie, à aucun moment il ne semble vouloir les abandonner, il sera là pour elles : il leur prends la main et les guide jusqu’au final. Suicidaires toutes les deux (on pense à un moment qu’elles peuvent et vont sûrement peut-être se tuer), "à part" toutes les deux, il montre qu’elles ne sont pas si différentes que leurs apparences le montrent et fait cela très progressivement, qu’Agnès n’est pas "seulement" une fille bizarre, qu’elle as un cœur, une âme, que c’est une jeune fille, qu’Elin n’est pas la pute de service qui a la réputation de baiser avec tous les types qu’elle croise, c’est une jeune fille autodestructrice, un peu borderline, très complexe.
Moodysson ne nous laisse pas vraiment nous attacher aux autres personnages ou à la rigueur à Johan ou au père d’Agnès, tous les autres personnages sont détestables : Camilla une peste qui traîne avec Elin qu’on à envie de tuer : la fille qui dit des saloperies sur les gens, raconte des bobards, s’incruste.


Moodysson montre le tiraillement entre ce qu’on doit faire pour garder sa "réputation" et être soi-même : assumer enfin qui nous sommes, avec le personnage d’Elin : alors complètement amoureuse d’Agnès qu’elle ignore (pour conserver sa "réputation"), elle sort avec Johan mais ne cesse de penser à Agnès, pendant ce temps : Agnès est plus que seule.


Moodysson fait d’Elin quelqu’un d’Humain, de sensible : ainsi quand elle débarque avec sa grande sœur à la fête d’anniversaire d’Agnès et qu’elle s’enferme dans la chambre d’Agnès avec sa sœur, sa sœur ne fait que critiquer Agnès mais Elin dit . "Arrête, elle est gentille quand même", elle ne cessera tout au long de montrer plus d’empathie à l’égard d’Agnès que son entourage, Elin ne se moque pas (contrairement à ses semblables) d’Agnès : elle l’ignore, se joue d’elle pour la frime mais s’en veut : Agnès amoureuse ne peut pas vraiment trop lui en vouloir sauf dans une scène ou Agnès furax frappe Elin et se tire car elle avait promis de l’appeler, Elin l’insulte, apprends qu’Agnès est amoureuse d’elle et se montrera sensible avec elle, elle lui montrera son attachement d’une manière peu orthodoxe. Presque sans pathos, avec réalisme, Moodysson nous immerge quelque part, avec des gens, une culture, un univers : au bout du compte, à la fin du film, on quitte cette ville, rempli de joie : le final est un feu d’artifice, les cinéastes traitant d’amour chez les adolescentes ont rarement fait mieux. Moodysson s’en ai plutôt bien tiré, il a fait un travail sobre (s’amusant avec sa caméra (faux zooms)), posé un regard sur l’adolescence en cette fin de 20 eme siècle, une époque bien lointaine pour nous mais ici palpable.
Le film est rempli de référence aux 90’s à commencer par Nirvana, les téléphones portables, la musique pop-rock, la littérature : ce film m’a ramené en enfance (lorsqu'il est sorti, j’en avais entendu parler et je pensais le voir depuis cet époque (2000)), à l’époque ou les ordis commençaient a devenir présents ou un siècle se terminait quasiment. De l’école primaire, je voyais vaguement les grands du collège, me demandant peut-être ce qu’était leur vie.


Avec "Fucking Amal" (où les personnages ados ont entre 14 et 18 ans), j’ai eu un élément de réponse, Une époque, un lieu, des personnages. Le film mérite d’être revu pour son Humanisme, son réalisme et aussi la complexité de son personnage d’Elin. Moodysson n’en a pas trop profité : il ne filme pas les corps (sauf la poitrine étonnamment volumineuse d’Elin qu’il met en valeur à coups de décolletés), juste le plaisir (on voit Agnès se caresser en regardant une photo d’Elin) avec distance. Moodysson filme ses personnages en prenant leurs points de vues et à la fois avec recul, comme ne pouvant pas faire autrement pour ne pas passer pour un pervers.


Un film juste et puissant, à la fois minime et important dans l’époque qu’il représente.

Créée

le 7 août 2021

Critique lue 135 fois

Derrick528

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