Funny Games U.S est le remake de Funny Games, sorti en 1997. Le premier est un film autrichien réalisé par Michael Haneke qui a reçu de nombreuses récompenses à travers le monde, le second est un film américain réalisé par... Michael Haneke.
Rarement le terme "remake" n'aura été aussi approprié car il s'agit bien ici de refaire un film. A l'image de Gus Van Sant, qui avait refait plan par plan le Psycho d'Alfred Hitchcock, Haneke reprend son propre film et en livre dix ans plus tard une copie quasi conforme : mêmes décors, mêmes costumes, mêmes cadrages, même musique, mêmes dialogues, même mise en scène... Exactement le même film, mais dans une autre langue et avec d'autres acteurs.
Quel est l'intérêt de refaire un film à l'identique, surtout quand c'est le sien ? Si Gus Van Sant avait refait Psycho plan par plan pour le simple exercice de style que cela représentait, Haneke adopte une démarche non pas esthétique mais éthique : il a un message à faire passer.
Funny Games dénonçait la banalisation de la violence au cinéma et interrogeait le spectateur sur son rapport au massacre gratuit comme divertissement. Ce brûlot visait clairement le public américain, qui se goinfre de pop-corn devant des films où il est normal de dézinguer dix mecs à la minute pourvu que ce soit un gentil qui le fasse, genre Bruce Willis ou Stallone. Mais les américains sont feignants, ils ne regardent pas de films étrangers par flemme de lire les sous-titres, ce qui explique qu'Hollywood fasse autant de remakes de films européeens et ce qui dévoile ici l'objectif d'Haneke : si pour faire passer son message et les réveiller un peu, il doit tout refaire dans une autre langue, so be it.
J'espère donc comme lui qu'avec cette version plus accessible (des acteurs connus, une langue anglaise, une VF pour ceux qui veulent) son film sera davantage vu et son message plus largement diffusé. Cette version U.S étant identique en tout point à l'originale, la thèse reste aussi efficace et continue de venir déranger le spectateur dans son petit confort américanisé. Que peut-on montrer à l'écran ? Qu'est-ce qui justifie l'ultra-violence ? Qu'est-ce que la violence au cinéma finalement ? Et en quoi peut-elle être un divertissement ? Qu'y a-t-il de profondément malsain à regarder des gens se faire tuer pour son propre plaisir ? Que signifie le fait qu'en tant que spectateurs nous acceptions autant de morts sur nos écrans, estimant le plus souvent que c'est justifié parce que le mec qui tient le flingue a de bonnes raisons de tuer ? Voici en gros les questions que pose ce film à travers un récit horrifique, huis-clos insoutenable et sans pitié.
A propos de Funny Games, des journaux avaient écrit à l'époque : "Ça sera froid, précis et implacable. Et ça ne finira pas bien. Vous voulez essayer ?" (Première) ; "Un magistral défi" (Télérama) ; "Le spectateur torturé pour son désir de violence" (Le Monde).
Dans son film, Haneke nous dit : "Vous voulez de la violence au cinéma, c'est un spectacle pour vous, ça vous divertit ? Je vais vous montrer ce qu'est la vraie violence, en espérant que ça vous fera réfléchir sur ce que vous avez l'habitude de consommer et que vous ne relevez même plus".
Funny Games n'est pas un film coup de poing, c'est un film coup de boule, une oeuvre fondamentale pour ce qu'elle dénonce. Allez voir cette version U.S, elle fait parfaitement le boulot et j'estime que c'est un film important à voir. Et si vous n'êtes pas réfractaire aux films européens, préférez quand même l'original.