Diantre que c’est décevant. Prenant place dans la cité Gagarine qui a vraiment existé et qui a vraiment été démolie en 2019, le premier long-métrage de ce duo de réalisateurs (qui avait déjà réalisé quelques courts-métrages avant) est fichtrement décevant.


Le contexte avait de quoi attirer. Une cité sur le bord de la démolition et un jeune homme qui rêve d’espace, deux idées contraires, l’une descendante et l’autre ascendante, parler de la vie de cité, de la lutte des classes, de l’impossibilité des classes pauvres à accéder à des études élevées… Il n’en est rien, et il est même très complexe de savoir de quoi parle le film.


Commençons depuis le début. Le protagoniste s’appelle Youri. Vous avez capté ? Il s’appelle Youri, la cité s’appelle Gagarine, ça fait référence à l’astronaute Youri Gagarine. Parce que si vous êtes passés à côté de ça au pire c’est pas grave, on va vous rappeler que ce garçon aime l’espace, on va faire ça de manière très fine, vraiment. Bien évidemment c’est faux, et le film a là un immense défaut, auquel il fallait sans doute s’attendre vu que c’est le premier long des 2 réalisateurs, mais il n’est absolument pas subtil. Le gamin rêve d’espace, d’accord, sauf que vu qu’il est mal dirigé on n’arrive pas à le ressentir, c’est juste quelqu’un de lambda qui regarde le ciel. Car la mise en scène n’arrive pas à imprégner les personnages, on a des plans classiques de Youri contemplant la lune ou les étoiles, mais rien d’autre. Seul un plan est sympathique, à savoir celui où l’on voit une trainée de condensation, cadrée de telle sorte à ce qu’on croit que l’avion ressemble à une fusée qui décolle, c’est simple et plutôt efficace. L’espace semble donc trop absent de la vie de ce jeune homme, oui il dessine des maquettes, oui il a un télescope dont il ne se sert que durant la 1e séquence du film, et surtout vers la fin un chien apparaît, et évidemment quel est son nom ? Laïka. L’implicite (non).


On pourrait penser que le film tend à dessiner une bulle autour du personnage de Youri, s’enfermant dans son rêve d’astronaute, d’où le fait qu’il ne quitte pas la cité (même s’il en est contraint à cause de sa mère) et qu’il construise la cité comme l’ISS, mais là où la caméra pourrait nous inviter à rentrer dans la bulle avec le personnage, on en est constamment éloigné, on n’arrive pas à s’attacher à lui. Il joue mal, son personnage est trop stéréotypé… Bref, dès le début on est extérieur à lui, jamais on arrive à s’y attacher.
De même, quel est le rôle de la cité dans le film ? On ne la voit pas assez, on ne voit pas assez les autres habitants (seul Finnegan Oldfield arrive quelquefois à s’en sortir) et tout est trop expédié. Le début du film est assez catastrophique en ce sens. Les réalisateurs veulent essayer de montrer les relations entre personnages, mais les séquences passent trop vite, les personnages ne sont là que pour les dialogues et non pour arriver à créer une substance dans tout le film. Les séquences d’interaction entre membres de la cité n’ont un intérêt que scénaristique, et n’arrivent nullement à créer de la vie. Quand Youri vient demander de l’argent à des gars en bas d’un immeuble, la séquence est beaucoup trop courte, le montage trop rapide. À la limite on a un plan sur une réaction de Youri, mais tout cela n’est pas vivant, c’est faux et ça en devient triste. Alors, quand à la fin le film essaie de créer de l’émotion avec les autres membres de la cité, on n’est absolument pas touché. Ces personnages sonnent faux, on ne les a vus que pour une séquence pour la plupart, ils étaient mal filmés, aussitôt vus aussitôt oubliés.


Voilà un film qui n’arrive pas à se connecter à son présent, avec des réalisateurs n’arrivant pas à diriger leurs acteurs et n’arrivant pas à capter ce qui peut émerger d’eux. Le film s’enferme lui-même dans sa bulle, voulant absolument raconter une histoire qu’il peine à cinématographier, s’éloignant totalement de la vie qu’il essaie de créer, chutant lourdement à cause des dures lois de la gravité.

NocturneIndien
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le 28 avr. 2021

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