Gall Force
Gall Force

Long-métrage d'animation de Katsuhito Akiyama (1986)

On ignore qui a fait le coup mais les anciens grecs, avec la légende des femmes-guerrières Amazones, semblent en bonne position. Qu’un tel mythe trouve ses racines dans une civilisation aussi bien connue pour son machisme, d’ailleurs, étonne assez peu : ce penchant se trouverait en quelque sorte atténué à travers le portrait de femmes aussi fortes, si ce n’est plus, que les hommes et qui ne s’en laissent donc pas conter par ces derniers. À moins, plus simplement, qu’il faille voir là l’expression d’une phobie des hommes envers les femmes qui entretiendrait ainsi le machisme en question, voire une résurgence de ces temps jadis où, dit-on, les femmes régnaient sur la cité en général et donc sur leurs compagnons.


Bref, au moins sur le plan inconscient, la notion de matriarcat nous habite depuis longtemps et c’est peut-être la raison pour laquelle les anthropologues ne s’étonnèrent pas d’en trouver des exemples en Asie comme en Afrique, ces continents où le mépris pour les femmes atteint des sommets et où se trouvent donc réunies les meilleures conditions pour l’éclosion du mouvement inverse par simple effet de réciprocité. On peut d’ailleurs rappeler que les celtes, dont les ancêtres vinrent jadis des plaines asiatiques, réservaient une place d’importance à leurs compagnes, et dans tous les secteurs de la société – peut-être, d’ailleurs, quittèrent-ils l’Asie pour cette raison, car il y étaient trop en décalage avec leur temps…


On s’étonne d’autant moins de voir qu’un tel thème prenne tant de place dans les productions de l’esprit quand on sait combien les créatifs en général et les artistes en particulier entretiennent souvent une relation privilégiée avec leur mère, ou encore combien ils laissent la part féminine de leur personnalité s’exprimer à travers le développement de ces idées originales ou en tous cas inhabituelles qui leur servent d’inspiration première et qui sont souvent l’apanage des femmes. Sans oublier que créer reste bien souvent un acte de révolte contre l’autorité et le conformisme, soient des éléments typiquement masculins. De sorte qu’évoquer le règne des femmes tiendrait presque de l’apologie de l’acte créatif.


Ainsi, Gall Force: Eternal Story s’articule-t-il autour d’un tel thème, au moins indirectement. Car d’hommes, ici, on ne voit point ; ce qui, au fond, n’est jamais qu’un moyen de souligner le matriarcat : elles s’en seraient purement et simplement débarrassées… Premier opus de la seconde série à succès du mythique mais hélas défunt studio Artmic, peu après Megazone 23 et juste avant Bubblegum Crisis, ce film choisit donc un angle d’attaque assez original. Car même s’il rappelle bien sûr Macross (Noboru Ishiguro ; 1983) pour sa thématique de départ, on y distingue aussi l’influence évidente de la première trilogie Star Wars (George Lucas ; 1977) ainsi que du film Alien, le huitième passager (Ridley Scott ; 1979) – soit un cocktail plutôt rare…


Certains diront que c’est là le seul intérêt de cette production, qu’elle reprend avec efficacité cette technique du patchwork et de la juxtaposition d’inspirations très différentes en un tout paradoxalement cohérent, et qu’il ne faut pas aller chercher plus loin ce qui ne s’y trouve pas. D’autres diront que Gall Force: Eternal Story possède sa propre âme et que celle-ci prend racine dans une alchimie aussi improbable que réussie d’éléments visuels et musicaux articulés autour d’un scénario somme toute bien assez surprenant ; ils rappelleront aussi que si ses personnages ne présentent aucune réelle profondeur, leur design seul suffit pour le spectateur à se les approprier – en d’autres termes, ils sont charmants et parfois il ne faut rien de plus.


La gloire en revient ici à Kenichi Sonoda qui connaîtra son succès personnel un peu plus tard à travers ses mangas Riding Bean (1988) et Gunsmith Cats (1990) dont les adaptations en anime sauront trouver un public nombreux des deux côtés du Pacifique. Car pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, et si le splendide travail des animateurs leur donne vie, ce sont malgré tout les chara designs qu’il développe pour ce film qui font la force principale de cette production. On s’y attache car ils sont attachants à défaut d’être originaux ou sophistiqués – et pour autant qu’on puisse encore créer des personnages méritant de tels qualificatifs après 4000 ans de littérature – et en fin de compte, ce facteur à lui seul peut suffire.


Bien sûr, les splendides qualités d’animation, les mecha designs somptueux et les scènes de batailles stellaires aux proportions dantesques jouent aussi un rôle central ; de même que l’intrigue et son mystère où le suspense et les retournements de situation le disputent à l’action pure et aux révélations. Mais il n’y a nul besoin d’y regarder de bien près pour voir que Gall Force… n’invente rien sur ces plans-là – ou si peu – alors qu’il révèle quelque chose en exposant le talent de Sonoda au grand jour. Pour autant, il ne s’agit pas de dire que ce film lui doit tout puisqu’il s’agit avant tout d’une œuvre collective, comme toutes les animations, mais il arrive que le travail d’un seul porte celui de tous les autres jusqu’où il n’aurait su aller par lui-même.


Classique oublié, à défaut de chef-d’œuvre, d’une époque révolue et d’un genre, le space opera, bien assez galvaudé depuis trop longtemps, Gall Force… figure parmi ces productions uniques en leur genre à ne manquer sous aucun prétexte, non pour ses idées en fin de compte toutes déjà vues quelque part mais pour son aura à nulle autre pareille.


Séquelles et spin-offs :


Comme évoqué plus haut, Gall Force: Eternal Story lance une franchise à succès qui se décompose en différents arcs narratifs de plusieurs épisodes chacun et situés à diverses époques. Tous sauf un furent réalisés par Katsuhito Akiyama.


Gall Force 2: Destruction (1987) et Gall Force 3: Stardust War (1988) se situent juste après Gall Force: Eternal Story et ajoutent quelques précisions sur le sort de certains personnages ainsi que sur le déroulement de la guerre entre les solnoïds et les paranoïds. Bien que plaisantes, ces deux productions s’avèrent assez anecdotiques et dispensables.


Rhea Gall Force (1989) et Gall Force: Earth Chapter (même année) se déroulent plusieurs milliers d’années plus tard et montre l’humanité en guerre contre des machines pensantes construites par les terriens à partir d’artefacts paranoïds retrouvés sur la Lune. Surprenant, le revirement se montre très réussi.


Gall Force: New Era (1991) a lieu deux siècles après le chapitre de la Terre et narre le retour de GORN, l’intelligence artificielle responsable de l’insurrection des machines contre leurs créateurs. Sans réel scénario ni conclusion, ce chapitre reste le plus faible de la série.


Enfin, Gall Force: The Revolution (Hiroshi Fukishima ; 1996) est une réinterprétation de l’original où il n’y a aucun paranoïd et au lieu de ça une guerre civile déchire la faction solnoïd.


Adaptation :


Sous la forme de jeux vidéo : d’abord une paire de shoot’em up, intitulés Gall Force et Gall Force: Defense of Chaos, développés en 1986 par HAL Laboratory, Inc. pour Famicom Disk System et MSX, respectivement ; puis un jeu d’aventure, Gall Force: Eternal Story, sorti en 1987 sur MSX2.


Note :


Gall Force a pour origine et précurseur un roman photo à base de maquettes : paru en 1985 dans le magazine Model Graphix sous le titre de Gall Force: Star Front, il établit les bases des versions animées. Peu connue en dehors du Japon, et en raison des différences avec les productions audiovisuelles en terme de costumes, de véhicules et d’armes, cette toute première itération est souvent considérée par les fans comme non-canon ou bien faisant partie d’une continuité alternative.

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le 29 juil. 2012

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