Le film de dimanche soir est un moment qui conditionne votre humeur pour la semaine à venir. Vous baignez encore dans la douceur de la fin de la semaine, mais vous êtes déjà à la veille des jours où il faudra de nouveau mentir, faisander, piétiner, écraser, écrabouiller et tuer sans regrets. Le cœur léger, le sourire aux lèvres, une pantoufle égarée sous la table basse, le moment est venu de se laisser aller à de grands éclats de rire joyeux devant ce ménage à trois dont vous rêvez secrètement dans vos fantasmes les plus fous. Vous avez pris connaissance, comme il se doit, du synopsis du film depuis la veille, donc vous savez où vous allez.


Nous sommes dans ce qui se fait le mieux : le bon vieux vaudeville bien de chez nous. Les filles y ont le beau rôle, Virginie/Isabelle Carré et Sandrine/Valérie Bonneton vont se partager Jean/Didier Bourdon. Le mari, pris au piège de sa propre infidélité, va en voir de toutes les couleurs, ce qui n'est pas étonnant quand on sait que le film est réalisé par Alexandra Leclère, une autre fille, qui dit savoir de quoi elle parle ! !


L'un ou l'autre observateur s'étonnera sans doute que le rôle principal soit tenu par un grassouillet, pas très marrant au quotidien, bien que cachant avec une adresse certaine un charme de grand mâle bondissant. Ils devraient comprendre que si on avait confié le rôle au beau gosse de l'heure, il n'aurait sans doute pas été possible de se payer sa tête avec autant de constance, sans réaction de sa part. Je ne suis pas sûr qu'une bête de sexe à la ville comme à l'écran aurait accepté un tel contre-emploi, mais je suis à peu près certain que celui auquel je pense n'est toujours pas disposé à prolonger sa carrière en renonçant à son égotisme aussi flamboyant que dérisoire.


Jean vivra donc avec Sandrine, sa femme légitime, une semaine sur deux. La semaine suivante, c'est avec Virginie qu'il va enfin connaître les vicissitudes de la vie quotidienne sous le regard bienveillant de son collègue et meilleur ami, accessoirement homosexuel, et de ses deux enfants. Avez-vous remarqué qu'il n'y a plus guère de film qui ne comporte au moins un personnage homosexuel ? Généralement un homme plutôt qu'une femme, si je me réfère à mes statistiques. Peut-être est-ce parce que les hommes sont plus efficaces à défendre cette idée de quota nécessaire.


Je tiens à relever et à signaler la présence de Michel/Laurent Stocker, comédien fort sympathique bien que son personnage ne présente strictement aucun intérêt dans l'histoire, en-dehors de pourvoir au quota précédemment évoqué. En vous prouvant ainsi que j'ai suivi le film avec attention d'une part, que j'ai bien noté ce qui devait l'être d'autre part, vous ne manquerez pas de ne plus nourrir le moindre soupçon sur une homophobie éventuelle dans mes écrits et vous me dédouanerez définitivement du rire imbécile que vous avez entendu dans la salle de cinéma en 2017, quand Michel ou Félix, le meilleur ami et collègue de Virginie, est apparu sur l'écran.


Garde alternée n'est pas un bon film. Devant le grand écran, je ne pouvais ni feuilleter Télérama, ni trier mes dernières factures comme je l'ai fait devant mon téléviseur. Les deux filles sont charmantes et drôles comme à leur habitude ; Isabelle Carré est même émouvante parfois, alors que Valérie Bonneton a tendance à surtout être elle-même, une fois de plus. Les garçons se contentent de faire le job, qu'ils soient premier rôle, seconds rôles ou simplement pièces rapportées pour remplir l'écran.


Ce qui m'a indisposé dans le film d'Alexandra Leclère, c'est qu'en partant d'une idée vraiment intéressante, elle n'ait pas su la développer et l'a même dynamitée. Le couple à plusieurs est redevenu un triste ménage à trois dont le mâle est prématurément usé sexuellement par deux charmantes jeunes femmes qui surjouent les nymphomanes, apparemment pour se venger. Bien que je ne sois pas totalement sûr d'avoir bien compris leurs motivations respectives, j'ai en revanche vu venir l'infarctus du myocarde de Jean à la vitesse grand V. Je ne suis de toute évidence pas le seul, car même le petit dernier du couple s'est inquiété à maintes reprises de savoir si son papa allait encore « mettre son zizi dans celui de la dame ».


Trop de réalisateurs cumulent trop de fonctions dans ce qu'ils créent. Certains ne se contentent pas d'être à la fois réalisateur, scénariste et dialoguiste et vont jusqu'à s'attribuer le premier rôle de leur film. Ce n'est certes pas le cas dans Garde alternée, Alexandra Leclère évite de s'y faire voir. A l'impossible nul n'est tenu. Il m'a toujours semblé qu'il était préférable que le réalisateur ne soit pas le scénariste, mais je conçois parfaitement que dialoguiste et scénariste, qui relèvent de compétences complémentaires, s'incarnent en une seule personne. De toutes les façons, si le dialogue ne fonctionne pas, les comédiens sont les mieux placés pour suggérer que l'ouvrage soit remis sur le métier.


Si les interprètes sont au service d'une d'histoire, le scénariste est celui qui offre leur densité aux personnages de cette histoire et le dialoguiste celui qui leur donne leur puissance. Le réalisateur est l'alchimiste de la réussite de cette coopération singulière. Pour notre plaisir et notre bonheur. Si un film a nécessairement un début, puis une fin, il est plus aisé de commencer une histoire que de la terminer. Garde alternée se termine par une érection constatée de visu et à l'unanimité par Virginie, Sandrine et par nous par la force des choses. L'histoire se termine cependant en queue de poisson car nous ne saurons jamais si cette érection tiendra ses promesses.


Une suite au film est-elle envisagée ? Didier Bourdon en rêve, Isabelle Carré et Valérie Bonneton ne se prononcent pas et Alexandra Leclère ne veut l'exclure.

Freddy-Klein
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le 31 août 2020

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Freddy Klein

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