J'ai vu "Gatsby" le jour de sa sortie, mais je n'ai eu ni le courage ni l'envie d'en faire une critique à chaud, en sortant du film. Cela aurait sans doute été violent, bileux, énervé, sans fond réfléchi et argumenté. J'étais furieux en sortant, mais j'ai voulu attendre les autres critiques, les analyses du film, pour me faire un ami, car d'autres personnes de ma connaissance avaient beaucoup aimé. Et de nombreuses critiques sont bonnes. Mais j'ai compris pourquoi, malgré tout, ce film ne m'a pas du tout plu.
Il y a d'abord une raison littéraire à cela. Le livre "The Great Gatsby" de Francis Scott Fitzgerald, par ailleurs parfaitement retranscrit dans le film, presque mot pour mot, est considéré comme "le grand chef-d'oeuvre sur les Etats-unis des années 20". Personnellement, j'ai toujours trouvé Fitzgerald très inférieur à ses compatriotes John Steinbeck et Henry Miller dont, pour moi, respectivement "Les Raisins de la colère" et "Tropique du Capricorne" sont bien plus représentatifs des Etats-unis de ces décennies-là, et qui sont beaucoup plus riches, plus profonds et plus construits. Le scénario ne me plaisait donc pas totalement dès l'entrée.
Ensuite, Baz Luhrmann est coutumier des tentatives esthétiques kitsch et fleurant avec le niais, et on le considère tour à tour comme un génie ou comme un imbécile (même si les deux sont parfois entremêlés). De lui, je n'avais vu que le "Roméo + Juliette", il y a fort longtemps, et qui, je dois l'avouer, à l'époque, m'avait plu ; sans être non plus un excellent film, de loin, mais tout de même un bon film, il me semblait (je tenterai de le revoir d'ici peu). Alors, on attendait la tentative esthétique, et on attendait un jugement sur cette tentative.
Il a voulu rendre l'irréalité des années 20 par un immense faste, avec une musique décalée, des acteurs au sourire démesuré, des costumes innombrables, du kitsch à n'en plus finir. Sur le papier, c'est bien ; dans le film, il me semble que c'est un échec. En grande partie pour les mêmes raisons qui m'ont amenées à ne pas beaucoup apprécier "L'écume des jours" de Michel Gondry : on veut nous en mettre plein les yeux, mais c'est trop, on ne va plus au sens, on ne va plus au film, on perd l'oeuvre. Ici, c'est encore pire que dans "L'écume des jours", car Michel Gondry a eu au moins le talent de faire des trouvailles, d'avoir de très belles idées, alors que Baz Lurhmann reste dans l'effet bon marché, mille fois vu, sans intérêt. La scène de la fête est navrante de vide : oui, il y a de jolis costumes ; non, ça ne suffit pas à faire une belle scène. Et ainsi pendant tout le film, on va patauger dans le vide, la démesure mal placée et les effets ratés. Le pire, à mon sens, c'est la musique : quand on écoute la BO seule, elle est très bien ; dans le film, ça ne va pas du tout. Le réalisateur a voulu rendre l'irréalité en mettant de la musique qui passe aujourd'hui en boîte pendant une fête des années 20, en l'agrémentant soi-disant d'un peu de jazz passé à la sauce électro ; dans le cadre de l'histoire, j'ai trouvé ça uniquement pitoyable.
"Gatsby le magnifique" est-il un navet ? J'aurais répondu oui sans deux éléments : le jeu de DiCaprio, qui continue à me plaire malgré les nombreuses critiques, parfois justes, qui lui sont adressées. Il n'a rien perdu de son aura, de son charisme devant l'écran, et il se trouve totalement bien dans le personnage de Gatsby, qui lui est presque taillé sur mesure. Et, en second lieu, la scène de l'accident de voiture, avec le corps suspendu en l'air, était d'une grande beauté ; seule réussite esthétique du film, mais il y en a une.