Un quart de siècle s’est écoulé depuis la sortie de Gazon Maudit. Qu’en reste-t’il ? Une comédie curieusement pas drôle, paradoxalement beaucoup plus riche sur ses versants sociologique et dramatique. En résumé, un véritable épouvantail pour les amis de la Manif pour Tous, et un petit pamphlet de féminisme postmoderne.


Visiblement, en 1995, la bisexualité, le triolisme, la PMA pour les femmes, ça ne dérangeait pas grand monde : quatre millions d’entrées, et pas l’ombre d’une Frigide Barjot devant les salles ou le ministère de la culture. Ce succès semble a posteriori étrange tant les ressorts comiques semblent émoussés. Essentiellement liés à des situations téléphonées reposant sur l’infidélité/le machisme de Laurent ou reposant sur un loufoque lourdingue (ce moment gênant où Chabat se roule dans la boue avec un porc), l’humour de Gazon Maudit ne fait pas mouche, et repose pour ainsi dire uniquement sur le personnage incarné par Alain Chabat (star du rire incontestée des nineties), encombré par les tares : agent immobilier beau gosse et arrogant, sorte de bloc masculin archaïque qui baise et ne supporte pas d’être baisé ; en d’autres termes, l’ennemi juré de la femme moderne et libérée. Au fil des humiliations que subit Laurent, on sent que Gazon Maudit pourrait recartonner aujourd’hui : réalisé par une femme, il se serait parfaitement inscrit dans la mouvance #balancetonporc.


Le couple campé par Loli et Marie-Jo est au contraire traité avec nuances, voire une certaine tendresse contagieuse (voir la très belle scène dans le bain), et lorgne timidement vers la comédie romantique, genre dans lequel on sent Balasko beaucoup plus à l’aise. Jamais la réalisatrice ne grossit le trait autour de ce couple inattendu, Victoria Abril incarnant au départ une femme au foyer soumise, dévouée, et séduisante, toujours émoustillée par son mari, tandis que Josiane Balasko joue subtilement sur un double registre. Tantôt masculine, tantôt séductrice, elle sait aussi bien s’enlaidir que se mettre en valeur, et balaye très vite les clichés de la lesbienne camionneuse. Au contact de Loli, un désir d’enfant va naître sourdement en Marie-Jo, tandis que Loli va s’émanciper en laissant ses désirs motiver ses choix sexuels et amoureux, au grand dam de ses deux amants transis, qui subissent sa loi sans moufter, prêts à tout pour récupérer l’exclusivité de Loli. En acceptant de ramener son mari volage dans son giron, Loli fait évidemment un doigt d’honneur aux féministes radicales, tandis que Marie-Jo, en choisissant Laurent, son ennemi intime, comme géniteur, elle tourne le dos au féminisme lesbien.
Lire la suite ici : http://www.bubzine.fr/2021/03/12/gazon-maudit/

Francois-Corda
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le 12 mars 2021

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