J'ai grandi avec YouTube. Je connais Cyrien, Norman, EnjoyPhoenix, ainsi qu'une myriade d'autres "youtubeurs". Lifestyle, beauté, humour, histoire, cooking, lecture : toutes les catégories (de mon entendement?) de la vie y passent, du plus simple racontage de vie au bien plus élaboré "planning addict". Evidemment, un domaine ne manque pas à l'appel de cette liste : le YouTube cinéphile. Ma rencontre décisive, c'était Durendal en 2013. Il y a eu ses vlogs, ses PJREVAT, que j'aimais et que j'aime toujours, mais j'ai vite découvert qu'à quelques rares exceptions, il ne critiquait jamais les films que j'aimais voir. Et, comme l'a dit un certain Gustave de renom, ce fut comme une apparition : j'ai découvert InThePanda, Victor Bonnefoy de son vrai nom. J'ai vu ses vidéos, ses critiques, des plus simples, assis sur son lit lyonnais avec ses cigarettes à déblatérer sur son top et son flop de l'année, à des vidéos bien plus élaborées (tourner une comédie musicale en guise de remerciement pour un palier d'abonnés atteint), voire même aux projets de longue durée : les Unknown Movies, ou encore la mini-série À la fin, au générique LAISSE MOI TE GÂCHER LA FIN DU FILM, LAISSE MOI TE DIRE QUI EST LE MÉCHANT revient souvent dans ma tête. J'aime beaucoup InThePanda, nos goûts se rejoignent plus ou moins, je ne le trouve pas du tout "bobo gauchiasse" et j'adhère à ses coups de gueule, ses folies scénaristiques et son travail qui, au delà d'être un taf de YouTube, prend une dimension professionnelle et très aboutie.


Récemment, j'ai trouvé qu'InThePanda s'améliorait : ses vidéos étaient de plus en plus travaillées, avec un montage et un rythme époustouflant, abordant des sujets de plus en plus variés, et sa chaîne devenait bien plus documentaire, ce que j'apprécie, et, qu'inconsciemment peut-être, j'attendais. Le 28 mai 2018, alors qu'il "teasait" sur les réseaux sociaux, InThePanda fait un gros coup de com' : il buzze en annonçant son documentaire d'1h20 sur le cinéma de genre, disponible sur YouTube dès le 30 mai - à savoir aujourd'hui - et annonce les noms, avec quelques extraits vidéos. Coralie Fargeat, Nicolas Boukhrief, Pascal Laugier, des extraits de Grave et de Sheitan, un contexte du festival de Gérardmer et une réalisation léchée au montage rapide caractéristique de Victor Bonnefoy : voilà. Genre c'est du Cinéma ? ne me surprend que peu par sa forme, parce qu'il reprend les codes qu'InThePanda avait commencé à mettre en place dans ses interviews, mais par son fond : tel un Sherlock Holmes des temps youtubesques, Victor enquête.


Il fouine, interviewe, cherche, à grands coups d'analepses et de prolepses allant de George Méliès à Mutafukaz, une réponse à sa question, qui le taraude inlassablement : le genre. Alors que de cette tête bien chevelue qu'il est, nous aurions pu nous attendre à un bazar, il s'organise : le documentaire se découpe par tranches, posant différentes questions - définition du genre, les codes et classifications, la reconnaissance en salles, la question de la production américaine ... - et y répond par le biais d'intervenants tous très intéressants et très pédagogues (mention spéciale à François Theurel, alias Le Fossoyeur de Films qui, sans Pupuce cette fois-ci, intervient en clin d'oeil et sans aucune allusion à sa profession de vidéaste : eh oui, YouTube fait définitivement partie du cinéma game), mais aussi par ses propres questions. Le film, s'il ne délivre pas de réponse tranchée, unanime et univoque, vogue au gré des idées de Victor, aboutissant à une fin en tiroir : si la question du genre est épineuse en France, elle n'est pas sans issue, sans solution. À ce propos, j'ai aimé l'éloge de Grave que fait InThePanda (sa critique sur le film, plus que dithyrambique, est truffée de phrases que j'aime dire en parlant de ce film "c'est un OVNI, c'est génial que ce film existe, il fallait ça au cinéma français") et que font les producteurs et réalisateurs : si Grave a changé la donne, pourquoi d'autres ne le feraient-ils pas ?


Le documentaire rend hommage au cinéma de genre, en devient une sorte de Bible, un abécédaire du polar, gore, fantastique, crossover hybride cannibale (oui, je pense constamment à Julia Ducournau) en citant des films peu connus et réussit une de ses ambitions : en sortant de mon visionnage, j'ai eu envie de regarder plus de genre. D'une part, par amour du cinéma et car j'aime être surprise, avoir peur, la violence extrême (mention spéciale aux extraits des réactions post-projection d'Irréversible de Gaspar Noé à Cannes en 2002 dans le documentaire, issus d'une vidéo que j'avais déjà vue et que j'aime regarder régulièrement, tant j'aime ce film et tant entendre des gens crier C'EST LAMENTABLE m'étonne), et, d'autre part, car j'ai conscience du fait que regarder, partager, parler des films de genre (bassiner mon entourage avec Grave entre dans ce processus) permettra, à long terme et d'un point de vue global, à ce qu'ils ne soient plus considérés comme du genre mais bien comme du cinéma à proprement parler, avec des sorties en salle à proprement parler et une reconnaissance.


Le documentaire est honnête, intéressant, rythmé et juste dans sa longueur (apparemment, 4h30 de rushes ...), à la bande originale et au design photographique intriguant (le fait de mettre les extraits initiaux de films dans une télévision me plaît beaucoup, et est marqué de la patte de Victor Bonnefoy) : celui que l'on surnomme ITP réussit à s'élever au delà de sa condition de youtubeur pour atteindre une approche journalistique et cinéphile sur un sujet qui, à en croire les quelques pincements au cœur que j'ai ressentis lors de la dernière tirade du documentaire, le passionne et l'anime. Alors je dis bravo à Victor Bonnefoy pour son acharnement, pour l'éclectisme de ses projets (comme tout un pan de YouTube, j'attends patiemment de savoir ce qu'il adviendra de sa chaîne musicale dite "Vic." où, sur quelques notes pareilles à du Lorenzo, il a frappé fort avec Freestyle à bouffer) et de son idéalisme, lui qui refuse de voir les choses figées et arrêtées, qui veut qu'elles changent, se métamorphosent, évoluent, ratent, puis renaissent de leurs cendres.


Victor Bonnefoy est un vidéaste de genre.

CFournier
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Pérégrinations cinéphiles de 2018

Créée

le 30 mai 2018

Critique lue 430 fois

4 j'aime

3 commentaires

Coline Fournier

Écrit par

Critique lue 430 fois

4
3

D'autres avis sur Genre c'est du Cinéma ?

Genre c'est du Cinéma ?
GuillaumeL666
6

C'est toujours compliqué de parler d'un film parce que...

Victor Bonnefoy est un vidéaste pour lequel j'ai pas mal de sympathie. Même si depuis bientôt un an je trouve ses vidéos tristement creuses et trop prétentieuses pour être vraies (ajoutons à cela une...

le 30 mai 2018

6 j'aime

Genre c'est du Cinéma ?
Fatpooper
4

Pas mon genre

C'est pas terrible. En fait, c'est superficiel. Au final, Inthepanda propose beaucoup de points de vue, comme pour affirmer une certaine neutralité et une réflexion... sauf que compiler une série de...

le 27 oct. 2018

5 j'aime

Du même critique

Ava
CFournier
5

Forme > Fond

Comme c'est drôle. La France vit, cette semaine, sous une canicule écrasante. Et voilà que je m'enferme dans un cinéma climatisé pour voir ce que je considérais de prime abord comme mon nouveau La...

le 21 juin 2017

17 j'aime

6

Juste la fin du monde
CFournier
9

Home is where it hurts

J'y étais préparée, enfin, je crois. J'ai vu tous les films de Xavier Dolan, et je les aime tous, certains plus que d'autres mais j'éprouve pour cette homme de 11 ans de plus que moi une fascination...

le 13 sept. 2016

13 j'aime