Les redditions et les révoltes de Geronimo

Walter Hill avait réalisé un western dans les années 80 "le gang des frères James". Il récidive à nouveau en 1992 avec cette fois un western concernant une figure légendaire de l'Ouest, le guerrier Apache Geronimo.

En réalité, Walter Hill et le scénariste John Milius se focalisent sur deux évènements de sa vie qui sont la première reddition de Geronimo au général Crook par l'intermédiaire du lieutenant Gatewood puis à sa révolte suite à une exaction commise par l'armée dans la réserve jusqu'à une nouvelle reddition sans condition et son exil en Floride.
Le film est construit sous forme de témoignage d'un jeune officier frais émoulu de West Point qui est adjoint au lieutenant Gatewood et participe ainsi aux deux traques et aux deux redditions.
La voix off du jeune officier contribue fortement à crédibiliser le film en faisant prendre du recul sur les évènements et les personnages.
Le rythme du film plutôt lent a, lui, une vertu pédagogique. Le cinéaste prend son temps pour bien décrire dans le détail les personnages et le fond de leur pensée, leurs motivations, les relations qui se nouent entre le lieutenant Gatewood et Geronimo, entre le lieutenant et l'éclaireur Al Sieber. On est dans un western qui renoue avec la grande tradition démonstrative des grands westerns de la belle époque.
On s'y sent bien dans ce film où on peut observer ou admirer tranquillement les personnages qui évoluent dans un Ouest magnifiquement rendu par la caméra et la photographie de façon naturelle.
On s'y sent d'autant mieux que la musique de Ry Cooder est magnifique et sait s'adapter aux différentes situations du film qu'elles soient cérémonieuses, emblématiques ou encore critiques. Dans ce dernier cas, d'ailleurs, on reconnait bien la musique typique de Ry Cooder qui tend à devenir grinçante ou désaccordée pour accentuer la criticité de la situation.

Le casting vaut à lui tout seul le déplacement pour aller voir ce film au cas où le scénario, la mise en scène et la musique ne suffisaient pas déjà.
D'abord Wes Studi dans le rôle de Geronimo. Hiératique, un visage de marbre et un regard mobile qui peut être haineux mais aussi profondément amical. L'acteur rend bien la complexité du personnage qui n'était pas un chef mais plutôt un chaman et surtout un guerrier épris de liberté pour son peuple.
Témoin, la sublime scène où Gatewood donne sa paire de jumelles à Geronimo et où en échange ce dernier lui offre une pierre bleue sacrée.
Témoin aussi la longue scène de sa première reddition préparée et annoncée par un "devin" indien.
Le lieutenant Gatewood est interprété par Jason Patric qui joue un officier qui s'est investi à apprendre la langue apache et qui développe une certaine empathie pour les indiens et leurs traditions.
Le Général Crook est joué par un Gene Hackman dont on sent la puissance et l'ascendance du personnage face à ses interlocuteurs induisant le respect.
Robert Duvall campe un très convaincant Al Sieber, l'éclaireur qui a passé sa vie à pourchasser ou traquer les apaches dont Geronimo et dont les méthodes ne sont pas toujours du goût de l'idéaliste lieutenant Gatewood.

La voix off est celle de Matt Damon, alors jeune, qui est l'officier "frais émoulu de West Point", adjoint au lieutenant Gatewood.

Walter Hill a réalisé un très beau film où il a voulu rendre hommage au légendaire Geronimo, certes, mais aussi à ces personnages comme le lieutenant Gatewood et le général Crook qui ont œuvré, avec les moyens qui leur étaient accordés, pour mettre un peu d'humanisme dans les relations avec les indiens dans cette période sombre de l'Amérique.