"I'd have voted for Obama for a third term"

Premier long-métrage écrit et réalisé par Jordan Peele, directement issu de la comédie, Get Out se voit accompagné d'un succès public et critique, et par conséquence d'une attente non-dissimulée. Résultat : d'abord l"agréable impression d'assister à un épisode d'une heure et demi des Contes de la Crypte ou de la Quatrième Dimension, démarrant doucement par la comédie romantique, le cynisme et les fausses pistes de l'afro-américain qui rencontre sa belle-famille blanche, puis glissant doucement dans l'angoisse, la satyre et l'horreur.


L'autre détail d'importance qui nous ramène à ces douces références : le sens inné qu'a Peele pour l' "indice", ces petits éléments plus ou moins mis en avant, totalement futiles mais s'avérant prépondérants plus tard dans le récit. Le réalisateur pratique l'astuce avec talent, quitte à pousser l'objet aux confins de l'hallucination. Sans oublier quelques touches de légèreté et autres jump-scares décalés, ensemble qui distille progressivement une angoisse très intelligente.


Contrairement à ce qu'on pouvait facilement attendre, Get Out ne vise pas à être un brûlot contre la société américaine, ou une métaphore acide des tensions raciales du pays. Non, Peele a conscience de l'attente du symbole et n'appuie jamais ce dernier. Pour lui, c'est d'abord un outil pour nourrir la tension et l'horreur qui se découvre peu à peu. L'inconfort dans la relation des personnages, dans le contexte, directement issu de ce symbole, nous invite plutôt à différents niveaux de lecture, notre analyse même du racisme se voyant complètement détournée. De manière bougrement maligne, c'est ce qui devient le moteur "surnaturel" du récit et invoque un malaise insidieux.


Tout du long, on ne quitte pratiquement pas le point de vue de Chris, le protagoniste principal. Pratiquement, car le film se permet quelques digressions pour rejoindre plutôt le point de vue du meilleur ami de ce dernier, qui se doute bien que quelque chose d'étrange se trame et pour l'occasion convoque quelques touches d'humour un peu dispensables. La dynamique principale s'en retrouve perturbée, mais cela n'arrive qu'à très peu de reprises.


Toujours du côté de Chris, il y a ce jeu prédominant du point de vue, que Peele embrasse et malmène avec sa mise en scène. Il y a ce que vois le personnage, mais aussi ce qu'il ne voit pas, rendant un exercice presque hitchcockien où le réalisateur signe une belle inventivité : tout peut se jouer dans un échange de regards, un champ/contre-champ, une vue subjective, un regard-caméra, un plan-séquence ou un lent travelling avant. Sans compter les scènes d'hypnose qui assume radicalement la toile hallucinatoire et livre des images tout bonnement frappantes.


Get Out, tourné pour quatre petits millions de dollars, offre aussi ce petit côté à l'ancienne qui fait plaisir, disséminant la tension sans les artifices habituels de l'horreur contemporaine. Ceci jusqu'à la dernière partie, hôte d'un twist renversant, qui porte une hargne dingue. En son sein, l'attitude de Chris y est aussi crédible que jubilatoire, là aussi loin des carcans actuels du genre, offrant en sous-texte quelque chose de très fort. C'est appuyé sans conteste par la performance de Daniel Kaluuya, vu dans Black Mirror et Sicario, dont la sérénité empoisonné d'inquiétude se retrouve explosé de fulgurances saisissantes.


L'épilogue tend à décevoir, peut-être de par le fait qu'une fin alternative plus sombre existe, ce qui n'enlève en rien à Get Out son concept fort. Jordan Peele l'use avec subtilité, de façon progressivement corrosive, nous faisant rire puis nous faisant trembler. Un succès amplement mérité !


https://shawshank89.blogspot.fr/2017/05/critique-get-out.html

MaximeMichaut
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2017

Créée

le 7 mai 2017

Critique lue 309 fois

4 j'aime

MaximeMichaut

Écrit par

Critique lue 309 fois

4

D'autres avis sur Get Out

Get Out
BobChoco
5

I told you so

Bon, pour ceux qui n'ont pas vu le film, passez votre chemin. Ce qui m'a attiré de prime abord, c'est le "genre : horreur" annoncé par la com sur la toile couplée au pitch: "Chris est noir. Chris...

le 22 mai 2017

136 j'aime

15

Get Out
Behind_the_Mask
7

I am not your negro

Wahou ! C'est que c'était bien, finalement, Get Out ! Behind est soulagé car il craignait d'avoir payé sa place pour un pamphlet politique qui aurait dépassé son genre de départ, que le masqué...

le 4 mai 2017

120 j'aime

7

Get Out
Clairette02
8

Man, I told you not to go in that house.

Des bienfaits de ne pas trop se renseigner sur un film... Je suis allée voir Get out en pensant qu'il s'agissait d'une comédie, portant sur le racisme aux Etats-Unis. Pas sûr que le terme de...

le 1 mai 2017

99 j'aime

8

Du même critique

Un homme idéal
MaximeMichaut
5

"Le sable était noir..."

À l'image de son titre fraudeur, Un Homme Idéal patine prévisiblement sur ses ambitions de thriller référentiel, mésaventure romantique d'un plagiaire glissant sur la pente rocambolesque du crime...

le 25 mars 2015

23 j'aime

The Homesman
MaximeMichaut
8

Critique de The Homesman par MaximeMichaut

THE HOMESMAN est un sublime western empli de folie douce, où Tommy Lee Jones encre son talent de metteur en scène en brouillant avec talent les limites entre réalisme et fantastique, âpreté et...

le 19 mai 2014

15 j'aime

Baby Driver
MaximeMichaut
8

Des promesses à tenir et des miles à parcourir avant de revivre

Fraîchement rejeté du projet Ant-Man par l'écurie Marvel, Edgar Wright s'est lové dans l'un de ses amours majeurs de cinéma, The Driver de Walter Hill, pour enfin donner naissance à un projet vieux...

le 22 juin 2017

13 j'aime