On aura des avis partagés sur Get Out selon la façon dont on le voit : d'un point de vue purement cinématographique, c'est un film correct mais sans plus. La structure est archi-archi-classique, le contenu n'est pas vraiment effrayant (pas grand-chose au niveau de l'horreur à part les grosses ficelles des apparitions soudaines avec crissement strident en simultané), pas vraiment mystérieux (on sait tout de suite que les méchants sont méchants et le retournement est assez attendu), et la dernière partie / fin une fois les masques tombés est grotesque (je ne spoile pas mais je pense que tous ceux qui ont vu le film seront d'accord avec moi). Disons quand même que les acteurs sont tous très bons, en particulier le couple central, et les interludes humoristiques autour du meilleur ami du personnage principal offrent une mise en abîme du sujet très réussie.


Le sujet, parlons-en : là réside l'intérêt du film. On sent que le réalisateur a eu envie de traiter un sujet, puis a ensuite cherché la forme qui convenait le mieux. Le choix du thriller horrifique sur un sujet aussi "politique" que le racisme est d'ailleurs particulièrement bienvenu : en plus de son originalité, il permet une légèreté et une liberté de ton dans la caricature qui rendent la chose infiniment plus digeste que ne l'aurait été une confrontation trop sérieuse avec le sujet (je pense au lourdingue Moonlight, sur une thématique certes légèrement différente - la minorité sexuelle plutôt que raciale).


Le film aborde donc le sujet du racisme d'une façon inédite au cinéma (du moins à ce que je sache !). Et sa force réside dans le fait que le racisme dépeint n'est pas celui que l'on a l'habitude d'entendre dénoncer : ce n'est pas le racisme de la bêtise et de l'ignorance que tant associent aux classes populaires et aux milieux ruraux, a fortiori depuis l'élection de Trump. Non, il s'agit ici d'un racisme "soft", voire "inversé", dont on imagine qu'il est expérimenté bien plus fréquemment par une grande partie des Noirs-Américains (et pas seulement Américains) : celui des classes libérales, bourgeoises, éduquées et bien-pensantes, qui votent pour le Parti Démocrate et qui au lieu de traiter les Noirs comme les égaux des Blancs, singularisent les premiers en appuyant sur des clichés qu'ils croient positifs : les Noirs sont plus forts, plus sportifs, ils dansent mieux, ils aiment tous Obama, Tiger Woods et Michael Jackson, ils sont drôles et si on est assez cools, on peut même devenir leurs potos. C'est cette logique que le film pousse à l'extrême, et il le fait avec humour et intelligence. Si vous êtes sensibles à son message politique, il vaut sans nul doute le coup d'œil.

Orazy
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le 10 juil. 2017

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