La chose la plus appréciable dans Ghost Dog est le fait que Jarmusch arrive à parfaitement digérer ses influences pour en faire quelque chose de nouveau, sans jamais que les références ne viennent parasiter le récit et en faire une œuvre qui ne peut être comprise que par ceux qui ont vu Melville ou Kurosawa.


Forcément on pense dès le début au Samouraï de Melville, que ça soit par les citations du code du samouraï qui parsèment le film de Jarmusch, mais aussi par le fait que Costello et Ghost Dog sont tous les deux des héros taciturnes, vivants de contrats et dont le destin est similaire. Mais cette relecture de ce personnage quasiment mythique renforce encore l'universalité du film de Melville, puisque cette histoire peut arriver partout, à n'importe quelle époque. C'est peut-être la force de ces figures mythologiques que le cinéma américain peine à créer actuellement avec ses super héros (mettre tout le monde en statue grecque à la fin d'Avengers 2 ne suffit pas à réussir à leur donner ce statut de mythe, ils aimeraient... mais non...).


On projette donc Costello dans la peau d'une sorte de gangsta rap, quelque part aux USA et Jarmusch en adopte les codes. Les gens s'habille comme dans les ghettos, se coiffent comme dans les ghettos et surtout écoutent la même musique que dans les ghettos. J'ai même eu l'impression de voir, comme on le voit rarement, lors des déplacements en voiture, à quoi ressemble la banlieue urbaine aux USA. De manière très brève, sans que ça soit le sujet, mais ça permet néanmoins d'ancrer cette histoire dans un contexte social et urbain réalité et plausible.


L'histoire est donc connue depuis la nuit des temps et ce qui compte donc c'est les variations, ce qu'apporte Jarmusch en plus. Je n'ai pas vu beaucoup de ses films, mais à chaque fois il y avait ce côté posé, lancinant, très poétique qui ici résonne limite comme une forme de spiritualité propre à celle du samouraï et au code auquel répond Ghost Dog.


Toute la réflexion autour de Rashomon et des différentes visions de la même histoire selon le personnage qui parle, même si elle n'est pas au premier plan reste intéressante avec la comparaison de deux souvenirs, celui de Louie qui sauve Ghost Dog mais qui varie légèrement selon que ça soit Louie ou Ghost Dog qui le raconte. De plus la référence colle bien à l'univers du samouraï et du Japon médiéval.


Le ton parfois limite absurde du film vient apporter une touche de légèreté, sans pour autant renoncer à une forme de poésie. Je pense aux scènes dans le parc avec la jeune fille et Isaach De Bankolé. Le personnage de De Bankolé ne parlant que français lui et Ghost Dog passent leur temps à dire la même chose mais dans deux langues différentes. D'ailleurs dans ma version anglaise du film ces passages ne comportaient pas de sous-titres anglais, je me donc la question du public non francophone et de comment il peut percevoir ces scènes là ? Ceci témoigne d'une certaine communion, d'une compréhension totale entre les deux personnages malgré la frontière de la langue.


La référence que j'ai peut-être moins comprise, reste celle avec les cartoons qui semblent répondre ou anticiper aux événements qui arrivent à Ghost Dog, si quelqu'un sait ce que ça veut dire ?


En somme c'est une expérience planante, une variation très agréable sur un thème bien connu.

Moizi
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le 12 mars 2017

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Moizi

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