Ce film fait penser à la série animée Daria. Irrémédiablement. On entend par là que Ghost World s’inscrit comme une sorte d’ersatz du genre teenage movie où l’on ressent le même cynisme juvénile et cette désinvolture caustique et oisive chez son personnage féminin. Un portrait aigre doux de marginaux qui se voient laisser sur le bas-côté de la route de la norme sociétale, à l’image de cette prof d’arts plastiques intellectuellement ridicule, ou ce quidam dégainant à tour de bras ses nunchakus à la Chuck Norris. Se cachant derrière ses petites lunettes noires et sa coupe de cheveux au carré, Enid porte son regard affranchi sur un monde des adultes qui bringuebale avec facétie sa morosité solitaire que cela soit dans des soirées pour paumés ou dans l’industrie du travail.

Ghost World, c’est un monde, une ville fantomatique peuplée de gens esseulés, trainant avec amertume l’effondrement de leurs doux rêves de grandeur. Comme toute adolescente se pensant un peu anticonformiste et s’amusant à s’habiller punk des années 70’s, elle souffle, sourcille avec mépris devant cette jeunesse qu’elle comprend peu, se moque de tout ce qui s’octroie une place fortuite devant elle comme ce vieux couple qui ouvre leurs parapluies en pleine journée d’été. Fini le temps de zoner sur les bancs du lycée, elle doit découvrir le monde des adultes avec sa meilleure amie Rebecca.

Mais difficile de le faire quand on ne sait pas qui l’on est réellement et qu’on ne veut pas rentrer dans le rang. L’université, elles n’en ont rien à foutre. Dans cette Amérique développée par Terry Zwigoff, avec ses losers et ses freaks inoffensifs, où l’on verra immerger une relation maladroite entre Enid et Seymour, un vieux garçon collectionneur de vinyle, Ghost World dégagera sa finesse grisâtre. Enid développe chez elle une sorte de mirage de l’auto défense des relations sociales, ce qui ne facilite pas son insertion dans le microcosme du travail.

Alors que la société n’était pas encore surconnectée par son doux narcissisme, Enid va tant bien que mal essayer de trouver une femme à Seymour. C’est alors que va naître chez elle, un sentiment de jalousie. A travers ces petites saynètes de moments de vie, de déambulations, de tranches de vie aléatoires, c’est surtout la rencontre d’un homme qui essaye de sortir de sa torpeur et une fille qui voudrait se libérer d’un poids insoupçonnable. Ghost World, film grinçant et doucement ironique sur son adolescence et sa société. C’est fin, vivement amusé et tristement vagabond.
Velvetman
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le 18 déc. 2014

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