Kaléidoscope de destins fracassés dans une Turquie au bord de l’implosion, ce premier long-métrage impressionne autant qu’il agace par sa maîtrise formelle. Révélation d’une réalisatrice à suivre!
Istanbul, octobre 2020. Alors que la Turquie est victime de pannes de courant générant chaos et anarchie, trois personnages tentent de survivre dans cette rude société, s’apparentant plus à une jungle urbaine qu’à un état de droit. Dilem (Dilayda Günes), jeune adulte rebelle, n’a nulle part où s’adonner à sa passion de la danse. Iffet (Nalan Kuruçim) tente désespérément de rassembler de l’argent pour son fils harcelé en prison. Rasit (Emrah Ozdemir) sabote des vieilles bâtisses de concert avec des membres de la mairie pour y construire des hôtels alors qu’il extorque des loyers abusifs à des migrants syrien. Ces trois personnages vont se croiser et se collisionner au cours d’une nuit.


La première réalisation D’Azra Deniz Okyay est prometteuse. Elle y met en scène des personnages oppressés, perdus et bloqués dans une société déshumanisée, baignant dans une ambiance crépusculaire, mêlant réalisme et dystopie. En filigrane, il y a Istanbul, filmée en pleine mutation, qui impressionne par son aspect protéiforme. La réalisatrice, fille d’un urbaniste, excelle dans l’art de filmer cette mégalopole. Dans cette atmosphère quasi apocalyptique, on comprend parfaitement que pour la jeunesse à laquelle appartient Dilem, il n’y a que des fenêtres mentales (notamment la danse, sublimée par un superbe morceau du groupe français Las Aves) qui permettent de s’évader de cette cage urbaine.


Malheureusement, le film n’échappe pas à de nombreux « tics de jeunesse ». Si sa réalisation est fraîche, stylée et nerveuse, on ne peut s’empêcher d’y voir un certain maniérisme scolaire pas forcément convainquant. La construction du récit en puzzle non-linéaire rappelle celles des premiers films d’Alejandro González Iñárritu (Amours Chiennes, 21 grammes, Babel) et même si maitrisée, complique artificiellement le récit. Ce dernier cumule également tous les poncifs du film « à festival » en tentant de traiter poussivement féminisme, gentrification et migration. Cette volonté de trop faire accouche d’une œuvre où souvent, l’emballage prend l’avantage sur le fond.

el_blasio
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le 26 oct. 2021

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