Un film noir parmi les classiques des classiques qui, pourtant, me laisse une sensation mitigée. D’une part, j’ai beaucoup aimé cette histoire qui mêle drame, mystère, passion, jalousie, rancœur, vengeance… On y retrouve beaucoup d’éléments et d’émotions fortes qui font qu’on est captivé par ce jeu éternel entre les personnages, la dynamique qui les anime et les font parfois se confronter ou se fuir. Comment Johnny intègre peu à peu le monde de Ballin et de ses magouilles avec les Allemands ; comment Gilda, archétype absolu de la femme fatale et superbement interprétée par une Rita Hayworth sublime, essaye de se jouer d’eux pour affirmer son indépendance. L’intrigue est palpitante, bien rythmé et surtout joue efficacement avec nos attentes pour nous surprendre et créer en permanence cette sensation d’insécurité. Pourtant, ce qui m’a un peu dérangé, c’est justement le dénouement. Car jusqu’à sa dernière scène, il y a très peu de chose à reprocher au film lui-même, mais une fois qu’on amorce la conclusion, deux choses se télescopent.
D’une part, après le numéro musicale légendaire de Gilda, on sent que le film se précipite pour se conclure car tout y est expédié sans rythme. Et d’autre part, je trouve que la conclusion de la dynamique entre Gilda et Johnny est extrêmement malsaine : le couple termine ensemble. Alors qu’on parle quand même d’un cas où Johnny a agressé, abusé et séquestré Gilda contre sa volonté, parfois de façon très violente, en plus de la rabaisser à plusieurs reprises et de dire clairement « qu’il la hait plus que tout ». Et pourtant, elle finit par balayer tout ça, lui pardonner et finir avec lui. Ce qui donne raison à Johnny et contredit tout ce pour quoi Gilda se battait pour, le message qu’elle portait et représentait à travers l’intrigue. Certes, c’était l’âge d’or à Hollywood, mais je trouve cette conclusion très dommage par rapport au reste du film.
Au niveau du casting, je n’ai pas grand-chose à redire. Glenn Ford est d’une justesse incroyable dans le rôle de Johnny, dégageant une aura unique pour son personnage, faisant de lui ce qu’on pourrait considérer aujourd’hui un anti-héros. Georges Macready n’est pas sans reste non, même si plus discret, mais lui aussi dégage quelque chose de glacial et méthodique. J’ai bien aimé Joseph Calleia, qui ressemble presque au spectateur de cette intrigue tortueuse, de même que Steven Geray. Mais comme je le disais plus haut, le joyaux du film, c’est bien Rita Hayworth, à la fois charmante, sensuelle, charismatique, joueuse, cynique, passionnée, forte. Elle éblouit l’écran sur chacune de ses scènes et éclipsent totalement les autres lorsqu’elle devient le centre de l’attention. La mise en scène est de très bonne facture, de même que les décors, et accompagné d’une magnifique photographie (le jeu sur les ombres et la lumière est vraiment chouette).
Bref, un classique qui a de nombreux points forts, portée par des acteurs au sommet, mais qui souffre d’une conclusion qui donne l’impression d’un gros gâchis. Certes, le contexte de l’époque y est pour beaucoup, mais il y aurait tellement eu moyen de transcender ce contexte et de rendre le tout fantastique.