Il se dégage de ce film quelque chose d'éminemment sympathique. On peut très vite et très facilement pointer du doigt les défauts, les limitations du projet, voire même sa vanité dans le cas où on ne serait pas emporté par le mouvement. Mais bien qu'il n'y ait pas de véritable enjeu, du moins pas au sens du cinéma traditionnel qui impose des objectifs clairs et des points d'accroche réguliers, cette captation de la vie dans les rues de New York, et plus précisément celle qui s'agite entre les deux personnages, Malcolm et Sofia, est d'une étonnante vitalité.


Leur capacité de tchatche est impressionnante et m'a fait penser, dans un registre quelque peu différent, au The We and the I de Michel Gondry, lui aussi attaché à un microcosme new-yorkais, dont l'essence se trouvait dans la capacité des enfants à exister par la parole dans un bus. Ces deux acteurs, chez Adam Leon, sont d'un humour, d'une sensibilité, d'un naturel terriblement attachants. Ils sont à l'image du style du film, très libres et assez drôles. Il n'y a pas vraiment de point de départ et de point d'arrivée, c'est plus un mouvement saisi dans sa continuité, sans début et sans fin. Ouvert.


De cette balade dans les rues et dans les appartements se dégage une forme de tendresse incroyable. Au milieu des punchlines qui fusent, des piques qui volent, de cette effusion de paroles, les trajectoires de Malcolm et Sofia prennent sens. Des hauts, des bas, des altercations et des moments complices pour illustrer de manière détournée une part de non-dit très importante. Leur maladresse et leur timidité bien cachée est simplement touchante. Une fille forte qui a du mal à trouver sa place, un garçon à la candeur dissimulée derrière un vocabulaire joliment fleuri : dans ce registre, les deux acteurs jouent à la (ma) perfection.


Le film porte en lui les germes de ses limites, et on pourrait relever quelques redondances stylistiques au-delà du présent cadre, en le comparant par exemple à l'autre production d'Adam Leon sortie en 2016, Tramps : il s'agit encore de dépeindre la relation entre deux ados (le flot de paroles ininterrompu étant remplacé par une fuite en avant suite à un coup raté), d'horizons certes différents, dans un autre quartier de New York, mais toujours à la limite de la romance qui ne viendra jamais vraiment. Mais l'ambiance si particulière de Gimme the loot, son étonnante bonne humeur, son naturel, son charme, sa fin en pointillés et son énergie valent assurément le détour. Une balade qui distille son charme de manière singulière et une alchimie de tous ces composés pourtant imparfaits qui crève l'écran.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Gimme-The-Loot-d-Adam-Leon-2012

Morrinson
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le 15 sept. 2017

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