Lorsque je dis à mes amis que je n'aime pas Gladiator, j'ai droit à une mise à mort où je ne peux même plus porter un coup ! Ici, au moins, j'aurai le temps de riposter...
Que demande le peuple ? De la dramatisation et une bonne morale à la fin ?
Je frapperai surtout ces deux gros points faibles.

D'abord la dramatisation... à outrance ! Et Ridley et ses scénaristes tombent toujours dans la facilité.
La scène la plus parlante au début du film est celle où Joaquin Phoenix envoie ses sbires tuer la famille de Maximus : Alors qu'ils sont en Germanie, pourquoi tant d'empressement à aller éliminer la famille de celui-ci ? Quel intérêt pour l'empereur ? si ce n'est pour nous faire comprendre que Commode... non je ne ferai pas le jeu de mot. Il a déjà tué son père, c'est bon on a compris. Pourquoi faire de la surenchère à ce stade ? Ce n'est pas tant la dramatisation que je critique que son utilisation lourdingue, abusive et surtout maladroite... Maximus, tout talentueux qu'il est, n'arrive même pas à rejoindre sa famille avant la garde prétorienne. Heureusement que cette dernière était dotée du GPS dernier cri car entre la Germanie et l'Hispanie ça fait une trotte, surtout pour trouver une villa pommée...
Et cet exemple n'est que le premier d'une longue liste car à chaque acte du film, je trouve les ressorts dramatiques énormes et défiants toute crédibilité.
En extrapolant, je peux même dire que toute l'action principale du film est invraisemblable : il est impensable qu'un empereur se laisse défier par un gladiateur, et quand bien même il aurait perdu en popularité en assassinant Maximus, je pense que dans la réalité le choix est vite fait. Le rapport de force me semble complètement déséquilibré et toutes les conspirations machiavéliques de Commode, entre deux pleurnicheries, ne tiennent pas la route. On est justement à une période de l'Histoire où tuer est facile et Gladiator est loin de nous montrer un rapport de force historique crédible et tendu entre empereur et sénat ou garde prétorienne par exemple.

Ce qui me permet d'aborder le second gros point faible qui me fait haïr Ridley à chaque fois qu'il s'attaque à un film historique : l'anachronisme.
Dans ce genre de films, les inexactitudes au niveau des décors et des objets ne me choquent pas plus que ça (si elles ne sont pas trop évidentes). Il en va de même si l'histoire du film transgresse un peu l'Histoire mais nous livre un propos intelligent en rapport avec la période en question ou pour reprendre une citation d'Alexandre Dumas: « On peut violer l'histoire à condition de lui faire un bel enfant ».
Et justement, la vraie nature de l'anachronisme qui me choque ici c'est celle qui consiste à appliquer une forme de pensée complètement inappropriée à un contexte beaucoup plus ancien ou si vous préférez, déguiser une forme de pensée moderne par l'intermédiaire d'une réalité plus ou moins historique... Alors que dans des films comme 300, le subterfuge est vraiment flagrant (lire ma critique), ici Ridley va appliquer une pensée humaniste et bien pensante digne d'un 18ème siècle des Lumières dans l'idéal de Maximus et du défunt empereur Marc Aurèle. En plus d'accentuer son propos à travers l'ami noir de Maximus ; qui si je me souviens bien, prononce à la fin, en enterrant les Lares : « Maintenant nous sommes libres », qui prouvent que ces « passerelles » historiques défient toute subtilité...
Bref, Ridley est devenu un peu le porte-drapeau d'une pensée moderniste à travers des reconstitutions historiques, ce qui malheureusement à Hollywood semble être devenu la norme (d'ailleurs, Ridley récidivera avec Robin Hood).

Certains de mes amis me reprochent de trop intellectualiser les films et de ne plus seulement les prendre pour ce qu'ils sont : du divertissement. C'est faux car l'un de mes films préféré c'est Conan le Barbare qui raconte lui aussi l'histoire d'une vengeance avec des airs de péplum et bien qu'on soit ici dans le genre fantastique, le film se garde bien de nous servir une morale conformiste et bien pensante.
Dans la BD Murena, alors que le héros est fictif et l'histoire romancée, on essaye de coller à une réalité historique et à la forme de pensée de l'époque.
En fait, je suis surtout hypersensible quand il s'agit d'Histoire et il doit y avoir pour moi concordance entre la forme et le fond. Ben Hur, sacralisation du péplum, bien que complètement romancé, restera à ce titre mon film préféré...
Altharil
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le 7 déc. 2011

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Altharil

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