La conclusion idéale mais déséquilibrée d'Incassable et Split

Si tout le monde se souvient encore de Split, ce n’est pas que pour la prestation hallucinée de James McAvoy. Ni pour son spitch principal, qui traitait d’un psychopathe aux multiples personnalités (encore plus « habité » que Norman Bates de Psychose). Ni pour la maîtrise du film, confirmant le retour en forces de son réalisateur M. Night Shyamalan – après un The Visit de bonne facture mais plutôt passé inaperçu au sein d’un large public. Non, si Split a tant marqué les esprits, c’est également pour sa scène post-générique. Une sorte de twist qui annonçait ce que tant de fans attendaient depuis bien des années : Incassable 2. En effet, sur ses dernières minutes, le long-métrage dévoilait son statut de spin-off au film de super-héros version Shyamalan, mettant ainsi les aficionados en ébullition. Il aura donc fallu l’année 2019 – soit 19 ans après Incassable premier du nom – pour voir se clôturer ce chapitre de la carrière du cinéaste. Autant dire que ce Glass était l’une de mes plus grosses attentes… pour finalement être une légère déception tout en étant une conclusion somme toute idéale à cette « trilogie ».


Première chose à constater : l’atmosphère du long-métrage, qui ne sait pas bien quel ton adopter. Le réalisme dramatique et pesant d’Incassable ? Le côté horrifique de Split ? Le thriller épuré et glacial ? Le divertissement avec sa dose de fantastique ? Ou autre chose, afin de faire un « troisième opus » totalement différent de ses aînés et – du coup – bien distinct ? Plutôt que de faire un choix bien précis, Glass pioche parmi toutes ces propositions, formant ainsi un cocktail pour le moins étrange. Étrange dans le sens où les différents ingrédients utilisés sont bons, mais ne se marient pas convenablement entre eux. Que ce soit la musique toute aussi hésitante de West Dylan Thordson, les plans de Shyamalan, ou encore le montage qui balance de temps à autres des flashbacks – dont certains sont des scènes tournées pour Incassable mais jamais utilisées jusqu’à Glass, avec leur ambiance bien à elles. Résultat de cet aspect pour le moins hybride de l’ensemble ? Tout simplement un décrochage du spectateur. Et pour cause, avoir en face de soi un film qui ne se montre pas suffisamment équilibré peut nous empêcher de nous plonger pleinement dans ce dernier. Alors oui, on pourrait pousser l’analyse encore plus loin en disant que ces différentes atmosphères peuvent être vues comme les divers morceaux d’un miroir s’étant brisés. Chacun des débris représentant un des personnages, une des intrigues du film. Supposition qui s’avère pour le moins raccord avec le titre et les diverses affiches du film. Ou encore au fait que le tout soit à l’image du personnage joué par James McAvoy, à savoir habité par plusieurs personnalités. Mais même si cela ait été voulu d’entrée jeu, avouez qu’il est plutôt difficile d’aborder un long-métrage ayant autant de visages, de façades.


Seconde défaut à soulever avec Glass : ses maladresses d’écriture. Non pas que le film ne soit pas raccord avec ses prédécesseurs, au contraire ! Il reprend comme il faut les intrigues, personnages et thématiques d’Incassable et Split. Il remet sur le devant de la scène la vision réaliste qu’a Shyamalan des super-héros. Il joue à nouveau avec les codes du genre (l’imperméable en guise de cape, les plans iconiques, les faiblesses des protagonistes, le fait qu’un vilain soit l’exact contraire du héros, le rôle de super-vilain en la personne d’Elijah Price, le « combat final », l’origine des pouvoirs…) pour parfaire son univers et proposer quelque chose de totalement atypique. Sur ces point-là, Glass est tout bonnement réussi ! Mais c’est plutôt sur leur manière d’être amenés dans le scénario que le long-métrage se plante un peu. Et pour cause, la réaction de certains personnages secondaires (la mère d’Elijah), des idées malvenues (comme faire parler d’une voix clichée la personnalité bestiale de McAvoy) et quelques réparties donnent l’impression que le scénario a été finalisé dans la précipitation. Que parmi ses excellentes séquences – dont nous reparlerons dans le paragraphe suivant –, Glass s’est permis bien trop de raccourcis et autres facilités d’écriture. Renforçant l’ambiance indécise et pour le coup le côté déséquilibré de l’ensemble. Et comble de tout cela, le film arbore par moment un côté kitsch qui vient saborder le but premier de cette « trilogie » : montrer les super-héros sous l’angle le plus réaliste qui soit. Un côté qui fait donc perdre à Glass son principal intérêt lors de certains instants. Autant dire qu’avec un tel constat, c’est plutôt surprenant et critiquable.


Avec ces deux défauts en poche, il est impossible pour Glass de se hisser aux côtés d’Incassable et Split. Et c’est bien dommage car, en les mettant de côté, le dernier bébé de Shyamalan reste une œuvre alléchante et jouissive. Un titre qui montre que son réalisateur peut encore faire preuve d’ingéniosité en guise de mise en scène (des plans en GoPro pour le combat rapproché, par exemple). De savoir-faire en jouant avec les lumières, décors et couleurs afin d’exprimer visuellement les thématiques de son univers. De maîtrise pour nous livrer des personnages et séquences finement écrits – l’exemple le plus flagrant étant nos trois protagonistes principaux face à la psy dans une salle d’un rose déconcertant. D’autodérision pour faire une mise en abyme de sa carrière hollywoodienne désastreuses (son caméo). De perversité avec le public pour le surprendre et l’impressionner – la révélation finale offrant une cohérence scénaristique sans faille entre les opus, le plan concocté par Elijah… D’amour pour sa création, au point de lui offrir un dénouement pour le moins déchirant. Tant de points qui montrent le talent à nouveau épanoui de Shyamalan et que, malgré ses défauts, cet « Incassable 2 » reste un bon film, bénéficiant d'un casting cinq étoiles. Et s'il est plaisant de retrouver Bruce Willis et Samuel L. Jackson dans leur rôle respectif, James McAvoy reste l'attraction principale du film. Sa prestation étant aussi hallucinée et incroyable que dans Split.


Conclusion plus que satisfaisante quoique décevante question ampleur, Glass témoigne de la patience et de la passion qu’il a fallu à son géniteur pour nous concocter une saga intrigante et intelligente. Et pour cela, un grand merci à Jason Blum. Le producteur de films d’horreur low cost (Paranormal Activity, Insidious, Sinister…) qui a réussi à sortir Shyamalan de sa tombe hollywoodienne (scellée avec l’hécatombe After Earth) et le remettre en selle alors que tout semblait perdu pour lui. Qui a permis à ce qu’un rêve de fan – voir débarquer Incassable 2 – puisse se réaliser. On a beau vous critiquer pour la plupart de vos productions et votre politique lucrative (financer à moindre coût pour plus de bénéfices), vous restez l’un des meilleurs représentants des studios américains à l’heure actuelle. Car vous avez rendu à un réalisateur talentueux son envie, son talent et son ambition. Si Glass, n’est pas le grand film de cette année 2019, il sera à tout jamais la preuve de ce que vous avez offer à Shyamalan.


Critique disponible sur https://lecinedeseb.blogspot.com/2019/01/glass.html

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