La dernière pièce du puzzle

Les super héros existent-ils vraiment au sein de notre société moderne ? Voilà la question saugrenue à laquelle on tente de répondre pendant cette suite, clôturant ainsi une trilogie qui s'est amorcée il y a 18 ans avec Incassable. Certes, les comics et autres blockbusters servent de base, de référent, mais restent ici fictifs et critiqués. Car M. Night Shyamalan, avec une maitrise esthétique et des effets qui lui sont propres, nous fait prendre de la distance sur un genre hollywoodien adulé pour le déformer, le métamorphoser, l'aborder sous un autre angle, avec une audace intelligemment originale ! D'autant plus qu'il arrive à point nommé dans une période où les super-héros divertissent encore et toujours.
Quand il achève Split avec un twist le reliant à Incassable, j'étais à la fois intrigué et sceptique. Mais on retrouve son style, sa folie, son intelligence, son goût pour l'horreur réaliste et les twists imprévisibles. Ce Glass s'impose comme porteur d'un univers tout entier, chargé d'indices et de mystère si bien qu'on doute, nous aussi, de l'origine des pouvoirs de nos personnages qui nous laisserait entendre que de telles forces pourraient être absolument normales. Le trio de patients analysé au crible dans un hôpital psychiatrique promet un huis-clos explosif. Ce qui est sûr, c'est que Shyamalan sait mettre l'eau à la bouche avec une première partie à l'atmosphère lourde et étrange, sombre et palpitante. C'est vrai que le scénario se révèle un peu bavard mais le talent des acteurs a su préserver toute mon attention jusqu'à un final diabolique et multiple, enchainant les retournements de situation avec une fluidité qui procure des frissons.
La force et la subtilité de Glass, c'est que toute cette réflexion autour des super-héros est ancrée dans notre réalité. Il donne ainsi à ce genre totalement prévisible de nouvelles étincelles. Les effets visuels ne sont pas gratuits et s'intègrent harmonieusement au monde réel. C'est subtil et donc encore plus puissant et jouissif ! Son point de vue s'avère fascinant et insuffle un nouveau souffle aux super pouvoirs, qui semblaient assez banalisés ces derniers temps. La mise en scène est précise, esthétiquement singulière et parfaite, la musique, elle, est glaçante et le dernier acte promet un affrontement épique et musclé. Personnellement, j'ai adoré ce scénario ambiguë qui aboutit sur un grand spectacle qui répond à des attentes rarement assouvies au cinéma !
Notre excitation serait moindre sans l'interprétation scotchante des acteurs. James McAvoy est incroyable et je trouve qu'il éclipse facilement ses partenaires. Mais Samuel L. Jackson et Bruce Willis, monstres du cinéma avant d'être super héros, ne se laissent pas impressionner et assurent une partition mémorable et vicieuse. Face à eux, Sarah Paulson, campe un personnage majeur, aux ambitions troubles qui sert habilement la réflexion portée par le metteur en scène.
Ceux qui n'ont pas vu les deux précédents films auront sûrement du mal à tout comprendre, mais je pense que ce n'est pas impossible de se concentrer sur la ligne rouge du film. Mais pour comprendre tous les enjeux, toutes les personnalités, c'est vrai que Glass se regarde en tant que troisième film et non pas individuellement.